Course de côte de Neuvy-le-Roi : une trajectoire comme sur des rails !

Cette année, deux événements automobiles occupaient la une lors du premier week-end de septembre. Le Rallycross de Lohéac et le Grand Prix F1 de Monza bénéficiaient de diffusions télévisées en clair. Avant, une discipline très populaire attirait les spectateurs au bord de la piste. Au cours des années 70, la course de côte vivait son âge d’or.

En 1977, la Course de côte de Neuvy-le-Roi se déroulait à la même date que le Rallycross de Lohéac. Roulant en course de côte cette année-là, je choisis évidemment de courir cette épreuve plutôt que prendre des photos à Lohéac. Mes premiers clichés du Rallycross breton attendront, tant pis.

Neuvy-le-Roi c’est en Indre et Loire, à vingt-cinq kilomètres de Tours. Je sors d’un week-end agité à Saint-Gouëno où j‘ai sauvé la victoire de classe au terme d’une deuxième montée de course sage.

Thierry-Le-Bras – VW-Golf-GTI – 1977- CC-Saint-Gouëno- Photo- Photo-Actualité

Je reviendrai sur cette épreuve riche en émotions où j’ai été arrêté deux fois dans les montées d’essais avant de commettre une faute à la première montée de course. Autant dire que j’arrive en terre tourangelle avec la volonté de signer des chronos.

J’aurai moins de supporters qu’à Saint-Gouëno, proche de mes bases rennaises et malouines. D’autant qu’une semaine plus tard, ce sera la Course de côte de Montreuil-sous-Pérouse, tout près de Vitré, et que mon père ainsi des amis rennais et malouins ont prévu de venir. Mais si j‘adore courir près de chez moi, je sais donner le maximum à l’extérieur.

Un tracé rapide

Nous partons le vendredi soir. Guénael, son épouse Armelle et Hervé m’accompagnent.

Nous embarquons tous dans l’Ascona SR – toujours vaillante après ses expériences en compétition l’année précédente – avec la Golf GTI sur le plateau derrière. Le matériel de camping et les bagages ont trouvé place dans la Golf, ce qui permet d’équilibrer les masses et de ne pas mettre trop de poids sur la flèche. Lors des longs parcours avec plateau, Guénael et moi avons coutume de nous relayer au volant. Nous avons tous les deux passé le permis E qui nous autorise à tracter un autre véhicule immatriculé de plus de750 kg selon la législation alors en vigueur. Nous nous arrêtons dîner sur le pouce dans un routier. Il fait nuit lorsque nous arrivons à Neuvy-le-Roi. Nous montons les tentes à la lumière des phares de l’Ascona avant de partir en reconnaissance de ce tracé que je ne connais pas encore.

Thierry-Le-Bras -Opel-Ascona-19-SR – 1976 – Course -CC-Saint-Germain-sur-Ille – Photo-Photo-Actualité

Neuvy-le-Roi est une piste rapide avec une longue descente. En 1976, un pilote a trouvé la mort à cette course. Il pilotait une Fiat 128 groupe 2. Les organisateurs ne sont pas en cause. Quelles que soient les précautions prises, la course automobile comportera toujours des risques. Celui qui pratique ce sport les accepte. L’accident de 1976 était dû à un problème de fixation de l’extincteur. Celui de la voiture du malheureux pilote s’est détaché lors du choc. C’est ce qui a causé la blessure mortelle. Depuis, les commissaires techniques sont plus rigoureux sur la fixation des extincteurs lors des vérifications. Et une chicane a été mise en place dans la première ligne droite afin de ralentir les voitures avant les virages de la descente.

Tout le monde m’accompagne lors de mes montées de reconnaissance que j’effectue à un rythme de plus en plus soutenu. Ce tracé me plait. Je m’y sens à l’aise. Je suis satisfait lorsque, estimant avoir suffisamment appris pour ce soir, je gare l’Ascona SR auprès du campement. Nous allons nous coucher. Nous ne sommes qu’en septembre, mais il fait déjà frais. Nous nous en rendrons surtout compte le lendemain matin au moment de sortir des sacs de couchage.

En piste

Le samedi est consacré aux vérifications et à une séance d’essais non chronométrés. Quoiqu’ils n’établissent aucune hiérarchie, ils valident la connaissance du circuit et le comportement de l’auto. J’ai remarqué un large bas-côté plein d’herbe à l’intérieur d’un virage au haut du circuit. Je me dis que s’il est possible de rouler dessus, j’améliorerai la vitesse de passage dans cette courbe, ce qui signifie un gain de temps que j’évalue à un ou deux dixièmes de seconde. Le soir, nous allons donc subrepticement vérifier si le bas-côté est propre, s’il n’y a ni trou, ni bosse, ni pierre susceptibles de déséquilibrer l’auto ou de causer une crevaison.

Thierry-Le-Bras -1- VW-Golf-GTI – 1977- CC-Neuvy-le-Roi- Photo- Photo-Actualité

Puis, après une séance de « jardinage » jugée satisfaisante, nous allons tranquillement dîner au restaurant. Comme je l’ai déjà mentionné dans plusieurs notes, les gentlemen-drivers sont généralement des amateurs de bonne cuisine. Je ne fais pas exception à la règle. J’ai aussi intégré cette dimension des pilotes amateurs à des romans et nouvelles. David Sarel par exemple, l’avocat-pilote lorientais héros récurrent de plusieurs fictions, est aussi un fin gourmet dont le goût pour le foie gras, la côte de bœuf saignante sauce poivre accompagnée d’un Saumur Champigny à température et le Général (Colonel servi avec un galon de vodka de plus, ce qui le promeut au grade supérieur en offrant des étoiles à celui qui s’y attaque) sont bien connus des lecteurs de ses aventures.

Le dimanche matin, ce sont les essais chronométrés. Je décide de ne pas utiliser ma botte secrète qui consiste à plonger largement dans l’accotement d’une courbe rapide pour la couper. Je la conserve pour la course, histoire de ne pas la divulguer à mes adversaires. Tout se passe bien. Je suis en tête de la catégorie et bien placé au groupe. Le pilote d’une Ford Escort 2000 RS jette l’éponge. Il ne cherche pas de fausses excuses. Il n’en a pas besoin. C’est un pilote rapide et un homme apprécié de tout le milieu. Il trouve le circuit dangereux. Il ne le sent pas. Il remet sa voiture sur plateau et rentre chez lui. Nous pensons que le souvenir de l’accident de l’année précédente est trop présent dans sa mémoire. Nous comprenons tous sa décision. C’est un pilote amateur qui court pour le plaisir bien qu’il fasse partie des meilleurs de sa catégorie. Si le plaisir n’est pas là aujourd’hui, il a raison de ne pas se forcer.

Thierry-Le-Bras -2- VW-Golf-GTI – 1977- CC-Neuvy-le-Roi

Je déjeune très légèrement les jours de course. Comme la plupart des pilotes. Un peu de viande froide avec de l’eau gazeuse et quelques gâteaux secs me suffisent. L’après-midi commence. Les voitures du groupe 1 se mettent en place, par ordre de numéros. Les Autobianchi A 112 Abarth, Simca Rallye 2 pour commencer, les voitures de la classe 1301 – 1600 cm3 ensuite. Puis les 2 litres et les 3 litres. Je suis le dernier à partir dans la classe 1301 – 1600. Juste devant Thierry Nauleau, le premier à s’élancer dans la classe des 1601 – 2000 cm3.

Coquet – Alfa-Romeo -2000- GTV- Coquet- 1977 -Ronde-d-Armor – Photo-Thierry-Le-Bras

Thierry vient de racheter l’Alfa Roméo 2000 GTV de Jacques Coquet, une figure des courses de l’Ouest. Thierry Nauleau est le beau-frère de Jacques Letertre, habitué des épreuves de l’Ouest avec une autre Alfa décorée aux couleurs de KB Jardin. Thierry a à peu près mon âge. Nous avons sympathisé dès les essais. Je garde un bon souvenir de ce pilote plusieurs fois revu sur des épreuves mais perdu de vue depuis. Au moment de prendre le départ de la première montée, nous ne pensons pas à échanger des anecdotes sur notre passion de la course. Je suis casqué et sanglé dans ma Golf GTI, aux ordres du chronométreur qui vient de lancer la voiture qui me précède. Il va m’appeler sur la ligne de départ pour le décompte des 30 secondes. J’ai l’habitude de la procédure. Mais au lieu de me faire signe d’avancer, il croise et écarte les bras, m’ordonnant au contraire de rester sur place. Un commissaire s’approche. J’ouvre la portière. Il me dit que je peux couper le moteur. Une sortie de route vient de se produire. Le directeur de course se rend sur place. Une interruption de plusieurs minutes est à prévoir.

Thierry-Le-Bras- 1977 – Photo-Team-TLB

Je sors de la voiture et j’enlève mon casque. Thierry Nauleau fait de même. Ces moments sont toujours pénibles. Tout le monde se demande si un copain ne s’est pas fait mal. Surtout ici où l’accident de l’année dernière a rappelé que la course automobile est parfois dangereuse. Je bavarde avec Thierry (l’autre Thierry, puisque nous portons tous les deux le même prénom). Je ne sais plus précisément de quoi. Tant d’années ont passé depuis. Je crois que nous avons parlé de son Alfa et de nos projets pour la saison suivante.

Thierry-Le-Bras -3- VW-Golf-GTI – 1977- CC-Neuvy-le-Roi- Photo- Photo-Actualité

Les commissaires de course nous rassurent rapidement. La sortie de piste n’est pas grave. Pas de bobo pour le pilote. Il nous invite à nous préparer. La course va bientôt repartir. Nous remettons les cagoules, les casques, les gants, nous remontons dans les autos, attachons les harnais, redémarrons les moteurs. Je suis parfaitement concentré. Je sais contrôler mon émotivité (au moins depuis l’adolescence) et j’ai toujours eu une bonne capacité de concentration.

Ça y est. Le décompte commence. Le starter me libère. Je sais ce que j’ai à faire. Je passe la chicane sans perdre de temps. Je franchis chaque virage comme j’avais prévu de le faire, y compris celui où je plonge très largement dans l’accotement. Contrairement à Saint-Gouëno la semaine précédente, tout se passe comme je l’ai voulu. Je m’arrête au parc d’arrivée. J’attends mon temps. Il me convient. Premier de ma classe et provisoirement premier de groupe. Les 2 litres et les 3 litres vont passer. Parmi eux, Jacky Ravenel et sa Commodore GSE. Thierry Nauleau est arrivé. Son temps tombe. Il est derrière moi. C’est sa première course. Il apprend sans prendre de risques excessifs. Il a raison. Il possède un potentiel certain. Ce serait dommage de casser l’auto à la première sortie.

Thierry-Le-Bras -4- VW-Golf-GTI – 1977- CC-Neuvy-le-Roi- Photo- Photo-Actualité

La seconde montée se déroule très bien aussi. J’améliore un peu mon temps. Finalement, je gagne largement ma classe et je termine 3ème de groupe, derrière la puissante Commodore GSE de Jacky Ravenel, un roi de la montagne, assurément meilleur de tous en groupe 1, et la Kadett GTE de Parenthoen qui est aussi dans une classe de cylindrée supérieure. Je me dis qu’en prenant plus de risques, j’aurais peut-être pu aller chercher Parenthoen, mais il ne faut pas oublier que le mieux est l’ennemi du bien.

Un bon week-end et une bonne surprise

A la remise des prix, nous échangeons quelques plaisanteries avec Christian Debias, vainqueur au scratch avec sa Ralt F2. Christian est fortement enrhumé. Il raconte qu’au départ d’une des montées, il a éternué dans son casque et que pendant quelques secondes, il ne voyait plus grand-chose. Ça ne l’a pas empêché « d’enrhumer » ses adversaires. !

Thierry-Le-Bras -5- VW-Golf-GTI – 1977- CC-Neuvy-le-Roi- Photo- Photo-Actualité

Cette épreuve se sera déroulée sous les meilleurs auspices, de la première montée d’essais à la dernière montée de course. Bien des années plus tard, je rédigerai la biographie officielle d’Olivier Panis, « En course automobile, un week-end qui commence bien continue souvent dans de bonnes conditions, tandis qu’un week-end qui commence mal se poursuit souvent par des problèmes », me confiera le vainqueur du Grand-Prix de Monaco 1976 lors d’une séance de travail. Je crois en effet que le principe se vérifie dans toutes les disciplines.

Quelques semaines plus tard, j’aurai la bonne surprise de trouver ma voiture en photo dans Slick, juste au-dessus de l’Alpine groupe 5 d’Hervé Poulain, le commissaire-priseur qui a consacré la réunion du l’art et de l’automobile sur les fameuses Art Cars engagées aux 24 Heures du Mans.

Couverture-magazine-Slick

En fait, Guénael et Hervé ont rencontré un des journalistes de Slick au Mont-Dore. Il les a convaincus de mettre une pub pour le magazine sur la Golf. J’avoue avoir un peu hésité car je redoutais que cela me prive de retombées dans Échappement. Ceci dit, j’ai déjà eu les honneurs d’Échappement après ma première victoire de classe à Saint-Germain sur Ille (j’y reviendrai). Puis j’ai accepté, trouvant le mag Slick sympathique et proche des pilotes amateurs. Slick nous a renvoyé l’ascenseur en mentionnant mon résultat à Neuvy-le-Roi. Je découvrirai l’article dans des circonstances moins jouissives que la remise des prix. Car le 1er octobre 1977 marque pour moi le départ au Service National. Pour les classes, je suis incorporé au 38ème RIT de Laval avant de rejoindre l’ESEAT à Cesson Sévigné. Et c’est un soir au foyer de la caserne à Laval que je découvre le dernier numéro de Slick au rayon presse. C’est pendant la première quinzaine des classes, celle où nous sommes bloqués au quartier. J’achète le mag et j’ai le plaisir d’y trouver ma photo. Un article qui augmente ma popularité auprès de mes camarades de chambrée dont certains pensent peut-être que j’ai frimé et que j’en ai rajouté en évoquant ma passion de la course auto.

Magazine-Slick- Compte-rendu-Neuvy-le-Roi

Entre Neuvy-le-Roi et l’incorporation, il restait deux courses, Montreuil-sous-Pérouse et Saumur. Deux victoires de classe dont je reparlerai un de ces jours.

QUELQUES LIENS

DESIGNMOTEUR (TimeDm) présente une superbe Porsche fidèle à l’héritage Carrera 2.7 RS https://timedm.com/2018/08/custom-gunther-werks-400r-st-carrosserie-993-porsche-911/

Prenons le volant d’une Golf GTI avec DESIGNMOTEUR http://www.designmoteur.com/2016/04/vw-golf-gti-annees-70/

Quand la course auto rapproche pilotes et spectateurs http://circuitmortel.com/2018/02/la-course-automobile-rapproche-pilotes-et-spectateurs/

5 voitures qui ont compté en course de côte http://circuitmortel.com/2017/03/cinq-voitures-qui-ont-anime-les-courses-de-cotes/

Une fiction à la course de côte de Saint-Germain – sur – Ille http://0z.fr/DwoeM

Thierry Le Bras