Partager la publication "Météo estivale et course auto : des contrastes saisissants (2/2)"
Les années de canicule incitent à se rappeler d’autres saisons où le soleil dardait ses rayons sur les pistes. N’oublions pas cependant que les dieux du ciel se montrent facétieux et nous plongent parfois dans l’étonnement.
La note précédente rappelait quelques événements automobiles marqués par la canicule de 1976 (cf http://circuitmortel.com/2018/08/meteo-estivale-et-course-auto-la-canicule-de-1976-12/ ).
Les sports mécaniques se pratiquant généralement à l’extérieur, chacun s’adapte aux éléments qu’il serait bien prétentieux de prétendre contrôler.

BMW-2002 – groupe-2- 1978 – CC-Mont-Dore- Photo-Thierry-Le-Bras
Qu’importe la météo pourvu qu’on ait l’ivresse de la vitesse et du spectacle qu’offrent les pilotes ? Ni un soleil de plomb, ni la pluie, le vent, le tonnerre ou le froid ne sauraient décourager ceux qui pensent que rien ne vaut les temps forts vécus sur un site de course. Une longue expérience m’a conforté dans cette conviction. Les années passent et il ne reste que le meilleur, le souvenir de moments extraordinaires, que ce soit dans le baquet ou avec l’appareil photo au bord de la piste.
Rockcollection, chaleur et coupes
1977, Laurent Voulzy triomphe avec Rockcollection.
On a tous dans l’cœur
des vacances à Saint-Malo
et des parents en maillot
qui dansent sur Luis Mariano
au camping des flots bleus…
Et Saint-Malo dormait, et les moteurs chantaient, et les moteurs chantaient, un truc qui m’colle encore au cœur et corps, Vrooaaarrrrrr, Vrooaaaorrrrrr, Vrooaaaarrrrrrr …
Car la course auto, c’est mon Rock’n roll à moi. Toute la musique que j’aime, elle vient de là, elle vient des moteurs en échappement libre, à commencer par celui de ma Golf GTI avec laquelle je remporte des victoires de classe ! Bon, je sais que je ne suis pas l’égal des héros dont les patronymes ont bercé mon enfance puis mon adolescence, Rodriguez, Clark, McLaren, Rindt, Grandsire, Éthuin, Larrousse… Je ne tiendrais pas longtemps dans l’aspiration de mon pilote préféré, un futur très grand, Didier Pironi… Mais je me sangle dans un baquet et je ne me débrouille pas si mal pour un jeune.

Théo-et-Thierry-Le-Bras – 1977 – CC-Pluméliuau- Photo – Team-TLB
Mon père partage cette passion. Il me suit sur plusieurs épreuves de l’Ouest. J’apprendrai qu’il montrait des photos de moi en course aux clients avec lesquels il entretenait des rapports amicaux et qu’il amena même à certains ma combinaison et mon casque afin de leur montrer « pour de vrai » la tenue d’un pilote. Il vit un rêve de jeunesse par procuration. Plus jeune, il aurait voulu piloter et se demande alors s’il ne lui reste pas encore quelques années devant lui pour essayer. Hélas, une affreuse créature l’isolera de ses proches et de ses fondamentaux… Mais ce qui a existé a existé. Des temps forts comme ce moment où, au bord de la piste de Pluméliau, nous réfléchissons ensemble à ce que je peux faire afin de battre le temps d’un concurrent redoutable qui me devance depuis le début du week-end. Il fait chaud, très chaud, trop chaud. Les boissons fraiches ne nous désaltèrent pas. Entre les montées, je troque le haut de sous-vêtement ignifugé contre une chemisette légère. Les lunettes teintées nous protègent les yeux. Plus qu’une montée et le classement sera joué. Ça devient très chaud.

Thierry-Le-Bras – VW-Golf-GTI – 1977- Pouillé-Les-Coteaux – Photo-Photo-Actualité
Je ne gagnerai pas ce dimanche-là malgré le soutien de mon père et des membres de ma petite équipe. Mais j’aurai beaucoup appris. je prendrai ma revanche dès la semaine suivante en devançant cette fois celui qui m’avait posé un problème insoluble lors de l’épreuve morbihannaise. Au total, je gagnerai sept fois ma classe sur onze départs cette saison-là. Parfois après quelques chaleurs dont un tête à queue fini en touchette à Saint-Gouëno, une figure acrobatique à Montreuil-sous-Pérouse et, en fin de saison à Saumur, un deux roues où, merci Saint-Christophe, la voiture retomba sur les roues après un instant d’hésitation proche du passage sur le côté.
Le baromètre de mon moral indiquait beau fixe. Ce ne serait pas toujours le cas. Je reste cependant convaincu que la compétition contribue à analyser les situations avec un esprit de synthèse, à s’endurcir et à affronter plus sereinement les tempêtes dans toutes les circonstances.
Le temps change très vite
Les prévisions météorologiques ne sont totalement fiables que pour une durée limitée. Éole et les siens réservent des surprises, non seulement aux marins, mais aussi aux pilotes. Des surprises plus ou moins agréables.

Thierry-Le-Bras – VW-Golf-GTI – 1977 – CC-Mont-Dore – Photo-Photo-Actualité
Un souvenir personnel au Mont-Dore 1977 illustre cette constatation. Encouragé par un début de saison satisfaisant avec ma Golf GTI, je décide de tenter le défi de la course de côte française la plus renommée, celle du Mont-Dore – Chambon-sur-Lac. Nous embarquons dans l’Opel Ascona SR désormais voiture tractrice le mardi dans la matinée avec la VW sur le plateau. Le parcours de la Bretagne à l’Auvergne représente des heures de route à cette époque où le réseau est moins bien aménagé qu’aujourd’hui. Il fait chaud. Personne n’étant trop frileux, nous utilisons la climatisation de base, à savoir le courant d’air grâce aux vitres ouvertes. Le lecteur de cassettes joue mes titres préférés, dont Qu’est-ce qui fait pleurer les blondes, J’ai un problème, La Maritza (Sylvie Vartan), Je vous ai bien eus, Le France, J‘accuse, Un roi Barbare, J’ai 2000 ans, Requin chagrin (Michel Sardou)… Une route agréable avec une équipe qui fait tout pour me faire plaisir et me mettre en bonne condition avant la course.

Thierry-Le-Bras – VW-Golf-GTI -MKI- 1977 – CC-Mont-Dore – Photo-Photo-Actualité
Arrivés sur place au début de la nuit, nous installons – comme beaucoup d’autres concurrents – les tentes dans un champ proche du départ qui sert de parc. Il fera beau toute la semaine. Enfin, jusqu’au samedi matin. Là, les coups de tonnerre nous réveillent. Orage et pluie s’invitent à la partie. Aïe. Je n’ai pas de pneus pluie… S’il pleut, je monterai avec les pneus qui équipaient la voiture à sa livraison par le concessionnaire. Autrement dit des savonnettes. La perspective ne me réjouit pas vraiment. Au début de la matinée, les voitures patinent dans le parc. Sale temps pour les propulsions en slicks. Heureusement qu’il ne manque pas de main d’œuvre pour pousser celles qui ne trouvent aucune motricité dans le champ. Le soleil reviendra avant le départ. Ouf. Les montées d’essais et de course se dérouleront sur le sec. Avec une luminosité variable et le sentiment de s’approcher des nuages à la seconde montée de course le dimanche, mais dans des conditions où le choix opportun requiert des slicks. Mes Michelin SB10 conviennent !

Pasquier-BMW-320 – groupe-2- 1981 – CC-Mont-Dore- Photo-Thierry-Le-Bras
En 1981, la météo jouera un mauvais tour aux concurrents. Le soleil a brillé toute la semaine. La plage de Chambon-sur-Lac dégage une atmosphère comparable à celle de Port-Mer. Les touristes bronzent sur leurs serviettes de bains. Les plus jeunes chahutent et se baignent. Michel Sardou fait partie des meilleurs vendeurs d’albums. Je passe souvent la cassette de Victoria dans l’autoradio sur la route qui mène de la Bretagne à Hockenheim (Grand-Prix de F1), puis de l’Allemagne à la Vallée de Chaudefour, au camping de Chambon et au Col de la Croix Saint-Robert. Victoria, Génération Loving You, La Haine, la Donneuse (celle qui aime tellement la justice qu’elle vous balance à la police)… Autour des lacs, c’est pour l’estivant, un peu d’bonheur, le Pays d’Auvergne. L’époque du groupe ABBA que j’écoute aussi et dont Sylvie Vartan adapte On And On And On sous le titre Ça va mal.

Paysage-d-Auvergne-un-jour-d-orage – Photo-Thierry-Le-Bras
Oui, il fait beau… jusqu’à la première montée d’essais du samedi. Là, Zeus, Thor, Éole et les autres s’énervent. Quelques coups de tonnerre suivis de pluies violentes et de rafales de vent projettent soudain concurrents et spectateurs dans un épisode hivernal. Je me suis placé dans un virage à droite qui nécessite une bonne marche à pied sur terrain escarpé. Normal, les belles photos présentent un point commun avec les résultats en compétition. Elles se méritent et récompensent l’effort. Avec le recul, je me félicite de la fiabilité des appareils photographiques de l’époque, moins bourrés d’électronique que les petits bijoux du XXIème siècle. Mon brave Canon FTBql, qui en a vu d’autres, résiste à la colère du ciel qui semble nous tomber sur la tête. Un avantage cependant. Souvent, la foule gêne les photographes. Là, nous sommes si peu nombreux à rester en place que nous ne risquons pas de nous bousculer ni de subir l’abruti qui trouve le moyen de s’avancer devant l’objectif.

Biancone – Porsche-934- 1981 – CC-Mont-Dore- Photo-Thierry-Le-Bras
Je tiendrai en place le temps d’une montée avant de redescendre vers le virage du transformateur par un chemin devenu glissant et boueux. Le soleil revient. Le bitume sèche. Les vêtements du public aussi. Tout redevient normal. Bonne nouvelle pour les commissaires de course. Car il ne faut pas oublier que si spectateurs, photographes et supporters conservent la faculté de chercher un endroit un peu abrité, les commissaires doivent rester à leur poste quoi qu’il arrive. Un sacerdoce exercé par des bénévoles sans qui rien ne serait possible.
La première montée après de grosses précipitations incite les pilotes à une certaine prudence. D’une part, il faut retrouver ses repères après un passage dans des conditions de faible adhérence. D’autre part, la pluie fait remonter l’huile et les débris de gomme sans parvenir à laver le revêtement plus blanc que blanc. Les pilotes devront en tenir compte. J’avoue que ce soir-là, avec le sentiment de ma mission de photographe accomplie malgré les obstacles naturels, j’ai particulièrement apprécié un bon repas dans une brasserie du Mont-Dore. Dîner fort convivial, le hasard m’ayant fait partager la table d’un copain de Christian Debias qui roulait cette saison-là avec une BMW 320 groupe 5. Histoires de courses de côtes au menu ! Or, vous l’avez compris, elles comptent parmi mes saveurs favorites.
Trop chaud ou un peu frisquet
En montagne, chaleur et fraicheur alternent. En 1978, une grosse sortie de piste survenue au printemps me prive des courses estivales. Le Service National (douze mois qui prendront fin le 30 septembre) ne me permet pas de préparer un retour en course avant le début de la saison suivante (ce sera au Rallye de la Côte fleurie).

Ortelli-Alpine-A-441 – 1978 – CC-Mont-Dore- Photo-Thierry-Le-Bras
Seulement, je ne peux pas survive sans l’atmosphère de la course. A défaut de piloter, je prendrai des photos des autres. La photographie et l’écriture représentent mes deux autres passions vitales. J’ai assumé toutes mes permanences de week-end au quartier militaire avant l’été. Je me suis arrangé avec un chef de service et un capitaine compréhensifs. Je bénéficie d’une permission qui va du vendredi 15 heures au mardi matin afin de me rendre à la Course de côte du Mont-Dore – Chambon-sur-Lac. Affecté à Rennes, tout près de chez moi, je ne me sens pas trop dépaysé. Une amie m’accompagnera. Je quitte le quartier à l’heure prévue. Nous ne tardons pas à charger nos bagages dans l’Ascona qui continue à m’accompagner partout ou presque (cf note précédente). La descente au Mont-Dore s’effectue beaucoup plus vite qu’avec le plateau. De nouvelles cassettes ont rejoint la boite à gants, notamment celle où Michel Sardou chante La java de Broadway, Mon fils, Dixit Virgile, C’est ma vie… Nous établirons notre campement dans le même champ qu’en 1977, à proximité de nombreux concurrents bretons.
La météo s’annonce plutôt bonne. Le samedi, le soleil brille mais la température reste supportable. Le dimanche aussi, jusqu’à la fin de l’après-midi. Là, une sorte de brume diminue la visibilité et nous rafraichit. Nous nous sommes installés sur la fin du parcours, c’est-à-dire en altitude. Je supporte mon blouson AGV amené par précaution. Je sens que mon amie et la femme d’un pilote que nous avons amenée en haut du circuit (en faisant tout un tour compte tenu de la fermeture de la piste) ont hâte que la course se termine. Je leur propose d’aller se réfugier dans l’Ascona garée dans un parking en haut du tracé. Je les rejoindrai dès les dernières F2 montées. Finalement, elles préfèrent rester. Elles ont prévu l’équipement nécessaire en cas de changement de temps. Reconnaissons-le, les femmes et copines de pilotes (au moins celles qui le restent) sont des saintes, dévouées aux passions égoïstes des hommes envers lesquels elles éprouvent des sentiments.

Ballet-Porsche-911 – 1983 – CC-Mont-Dore- Photo-Thierry-Le-Bras
Je connaîtrai plus tard des conditions franchement étonnantes sur le parcours du Col de la Croix Saint-Robert. En 1983, Michel Sardou et Sylvie Vartan interprètent en duo La première fois qu’on s’aimera. Je suis fan de ce titre ! Il inspire une atmosphère brûlante. A l’instar de la météo. Nous avons vraiment affronté une chaleur très forte. Les carrosseries brillaient sous le soleil estival et le spectacle fut époustouflant, comme toujours. Cadre superbe, tracé intéressant, pilotes de haut niveau, motivés, voitures bien préparées, tous les ingrédients d’une grande édition. Pour ma part, j’ai passé un excellent week-end.
Ce ne fut pas le cas de tout le monde. J’étais descendu de Bretagne le vendredi avec deux copains. Le premier jour, tout s’est bien passé. Partis de bonne heure le matin, nous étions à Clermont-Ferrand en fin de matinée. Déjeuner agréable dans une brasserie du centre-ville, passage à l’hôtel où nous avons déposé nos bagages, puis route vers Le Mont-Dore afin de faire un tour aux vérifications. Le soir, nous sommes restés dîner au Mont-Dore avant de regagner Clermont-Ferrand. Le lendemain, samedi, nous nous sommes installés sur la fin du parcours. Le soleil tapait très fort. Nous avons consommé de nombreuses boissons fraiches au fil de la journée (non alcoolisées). La liste des engagés garantissait des bagarres formidables, comme toujours. Le soir, nous avons à nouveau dîné au Mont-Dore avant de rentrer à Clermont.

Leclerc -BMW-323 – groupe-2- 1983 – CC-Mont-Dore- Photo-Thierry-Le-Bras
Seul souci, un de mes amis commence à se sentir mal dans la voiture au retour. Je précise que nous n’avions commis aucun excès. J‘avoue par contre avoir roulé un peu vite sur les routes sinueuses avec mon Alfa Romeo Giulietta. Or, propriétaire d’une Golf GTI, il n’appréciait pas le comportement de l’Alfa. Je l’avais laissé l’essayer un peu plus tôt et il s’était fait peur en frôlant la sortie de route. Et surtout, il avait attrapé des coups de soleil et supportait mal la chaleur. Le balancement de l’arrière dans les successions de virages a fini par le mettre très mal à l’aise. Il n’a pas été pris de nausées mais a déclenché une crise de tétanie. Je me suis arrêté, m’interrogeant sur la nécessité de l’amener aux urgences, ce qui nécessitait de toute façon de rentrer à Clermont. Il est monté devant. J’ai roulé moins vite. Il allait un peu mieux et a préféré l’hôtel à l’hôpital. Le lendemain matin, Il se sentait à peu près bien. Il a décidé de revenir sur le circuit plutôt que rester à l’hôtel. Il s’est prudemment mis à l’ombre toute la journée et tout s’est bien passé. Tarrès a remporté le scratch avec sa Martini BMW. Dosières, Vuillermoz, Rossi et les autres rois de la montagne nous ont comblés. Beaucoup d’autres mériteraient d’être cités. Des photos complémentaires viendront, patience…
A suivre, l’épilogue…
QUELQUES LIENS
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Une nuit au le Monte-Carlo sous la neige http://circuitmortel.com/2016/01/rallye-quand-monte-carlo-rime-avec-convivialite/
Angoisse sur la course de côte http://0z.fr/U10ZB
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Thierry Le Bras