Partager la publication "Tonnerre mécanique à la Course de côte du Mont-Dore – Chambon-sur-Lac (2/2)"
Des monstres mécaniques à l’assaut du Col de la Croix Saint-Robert, l’esprit de la Course de côte du Mont-Dore – Chambon-sur-Lac. Le paradis des pilotes de la discipline, la magie qui enchante les spectateurs.
Dans la note précédente, nous avons évoqué des voitures issues de modèles de série (cf http://bit.ly/2wqMxXA ). Des machines déjà bien préparées, pilotées par des pilotes déterminés, performants. Ces autos ont toutes marqué l’histoire du sport automobile. Leurs pilotes ont vécu l’aventure de la course avec la passion absolue indispensable à la présence au départ ainsi qu’à la signature de performances significatives.

Daniel-Allais – Lotus -Exige-GT- 2002 – CC-Mont-Dore- Photo-Thierry-Le-Bras
J’ai couru au Mont-Dore et je m’y suis rendu plusieurs fois en qualité de spectateur, avec mes appareils photographiques afin de pouvoir immortaliser, revivre et partager les temps forts ressentis au bord de la piste. J’aime tant cette course que j’y ai installé l’action d’un polar automobile cross-age teinté de fantastique dont je vous reparlerai bientôt, à l’automne si tout va bien (cf http://0z.fr/9TDz8 ). Une Lotus participe activement au scénario. En attendant, je vous propose de retrouver d’autres bolides en action, des GT et groupe B, des monoplaces… Il manque les prototypes, s’insurgeront certains. Je sais, mais je me rattraperai dans le futur en revenant sur cette catégorie souvent très disputée.
De superbes GT
Les GT furent et demeurent vraisemblablement les véhicules qui suscitent le plus de fantasmes parmi les amoureux d’automobiles. Parce qu’elles sont généralement belles, parce qu’elles s’identifient à la performance, à des mythes, à des souvenirs d’enfance. Parce qu’elles se révèlent difficilement accessibles. Parce que l’imaginaire les associe au sexe, à la séduction, à la conquête…

Marcel-Grué – Alpine-Berlinette-1600-SC-groupe-3 – 1978 – Course-de-côte-du-Mont-Dore- Photo-TLB
La GT nécessite parfois un compte en banque de golden boy hors période de krach boursier. Pas toujours, cependant. A l’époque où elle était au catalogue, l’Alpine n’atteignait pas le prix d’une Ferrari ou d’une Miura. Elle permit à des gentlemen drivers de remporter des victoires, et ce dans toutes les catégories où elle fut homologuée au fil des années. Nombreux furent les pilotes d’Alpine à étonner les spectateurs par leurs prouesses au Mont-Dore. Parmi eux, le Nantais Marcel Grué qui pilota des Alpine de 1975 à 1978. Marcel était déjà un pilote expérimenté et une pointure lorsqu’il s’installa dans un baquet de Berlinette. Il a forgé son expérience au volant de Peugeot 203, Dauphine 1093, R8 Gordini, Toyota Celica, Alfa Romeo 2000 GTV. Il a connu les bagarres portière contre portière en Coupe Gordini, participé aux 24 Heures de Spa sur une Opel Commodore GSE. A dire vrai, Marcel a choisi l’Alpine plus par raison que par passion. « Les gens rêvaient de ce constructeur, se rappelle-t-il. Moi, c’est une voiture que j’aimais bien, sans plus. » La Berlinette va pourtant marquer une nouvelle période faste. Je me rappelle particulièrement l’été 1977. Un été meurtrier… pour les rivaux de Marcel Grué. Corcoué sur Logne, Saint-Germain sur Ille, Pluméliau, Pouillé les Coteaux, Le Mont-Dore, Saint-Gouëno, Neuvy Le Roy, Saumur Saint-Hilaire et d’autres courses encore… C’est simple, Marcel gagne partout. Et ça recommencera en 1978 ! Une Berlinette bleue succède à la blanche. Mais sa présence tue toujours le suspense. « Les autres n’ont qu’à aller plus vite », plaisante-t-il alors. La photo retenue fut prise lors d’une montée d’essai interrompue par la sortie d’un autre concurrent. C’est pourquoi le pilote la termine sans casque. Le lendemain, Marcel Grué remportera sa catégorie devant un certain Patrick Bourdais, le papa de Sébastien. Marcel roulera encore longtemps après les années Alpine. Je mettrai en ligne dans l’avenir des photos de ses trois voitures suivantes, une Ford Capri 3000, une R5 Turbo groupe B une R5 GT Turbo. Marcel, un seigneur de la course qui n’était jamais avare de conseils et soutenait les jeunes qu’il sentait passionnés. J’en témoigne en connaissance de cause. Son aide m’a été précieux quand je courais.

Jacques-Almeras – Porsche-924-GTR-groupe-4- 1981 – CC-Mont-Dore- Photo-Thierry-Le-Bras
Porsche, autre marque indissociable de la course. Une Porsche préparée par les Almeras, de quoi faire trembler les autres inscrits dans la même catégorie. Surtout quand un des patrons prend le volant. En 1981, Jacques et Jean-Marie alignent une 924 GTR groupe 4 aux 24 Heures du Mans. Elle abandonnera à la cinquième heure, victime d’un problème de moteur. Mais la voiture est réparée pour le Mont-Dore au mois d’août. Jacques la pilote. Une gageure face aux BMW M1 ? Pas tant que ça. Le classement de la Course de côte du Mont-Dore s’effectue alors en comptabilisant l’addition des temps des deux montées de course. Résultat, 5’44’’77 pour Goering et sa M1 contre 5’45’’49 pour Almeras et la 924. Moins d’une seconde concédée sur dix kilomètres de course. Grosse performance du cadet des Almeras et de la nouvelle Porsche face à la super BMW.

Rossi-BMW-M1-groupe-B- 1985 – CC-Mont-Dore- Photo-Thierry-Le-Bras
Quatre ans plus tard… La réglementation a changé. Les GT roulent maintenant en groupe B, ou éventuellement en groupe S si elles ne sont plus homologuées ailleurs. BMW M1, Audi Quattro, Porsche 930 Turbo, R5 Maxi Turbo sont les grosses autos du groupe. Giovanni Rossi monte de catégorie mais reste chez BMW. Le voici aux commandes d’une fabuleuse M1 qu’il impose magistralement dans le groupe B. Giovanni confirme ainsi le gros potentiel affiché depuis longtemps.

Giovanni-Rossi – Renault-5-Maxi-Turbo – 1987 – Course-de-côte-du-Mont-Dore- Photo-TLB
Faisons un nouveau bond de deux ans dans le temps. 1987, les monstres du groupe B sont interdits de rallye à cause de leur dangerosité. Ils se recyclent en course de côte et en rallycross. Outre l’énorme Quattro de Jeanneret, la 205 Turbo 16 de Duby ainsi que des Lancia, une 037 (Di Giuseppe) et une Delta S4 (Paquet) arrivent au Mont-Dore. Giovanni Rossi a également changé de monture. Il pilote maintenant une 5 Maxi Turbo. Franchement, en arrivant au Mont-Dore en 1987, je voyais la Delta S4 comme l’arme absolue. Au volant d’une telle machine, Henri Toivonen avait remporté le Rallye de Monte Carlo en janvier 1986. Il était sans doute le seul à jouer au même niveau que Walter Röhrl sur les routes du Championnat du monde des rallyes. Mais au final, Giovanni créera la surprise. Il réalisera une nouvelle fois la course parfaite. Avec sa Maxi 5 Turbo, il battra les Audi Quattro, Peugeot 205 T16, Lancia Delta S4 et 037. Sur le ring auvergnat, la ceinture est restée française comme on dit volontiers en boxe !
Je n’ai pas l’âge de mes durites
Mon pare-brise neuf est un abus, Quand j’suis arrivée aux vérifs,
J’avais déjà beaucoup vécu… Et pour mon châssis aux techniques d’hier,
La 635 est une gamine…
Elles sont nées au siècle dernier. Elles n’ont pas encore 2000 ans, mais il ne faut se fier aux apparences, si elles ont l’air de sortir d’usine, elles ont déjà fait la guerre dans tous les camps, elles sont des héroïnes d’autres époques qui ont suscité l’amour d’enfants du temps de De Gaulle à celui de Giscard. Elles ont leur course au Mont-Dore, l’épreuve VHC où certaines d’entre elles – ou les modèles frères et cousins – se sont battues pour la gloire avant, dans les années 60 et 70.

Moeglen – Matra-Bonnet – 2002 – CC-Mont-Dore-VHC – Photo-Thierry-Le-Bras
A l’origine, René Bonnet espérait sûrement que son modèle Djet deviendrait une référence aussi reconnue que le deviendraient la Berlinette Alpine et la Lotus Elan. Parmi les qualités du modèle, une tenue de route ahurissante favorisée par la position centrale du moteur. La trajectoire industrielle ne suivit pas celle de ses concurrentes. Le petit constructeur fut absorbé par Matra. Certes, l’opération s’accompagna d’améliorations du modèle (élargissement, allongement, moteurs plus puissants), mais la Djet, devenue Jet, ne survécut que le temps d’assurer l’intérim avant l’arrivée d’une « vraie » Matra, la 530. Pas question de poursuivre les rêves de rivaliser avec les Elan et Berlinette. Dommage car le potentiel sportif était là. Jean-Pierre Beltoise et Claude Bobrowski l’avaient démontré avec une des première versions de la voiture, l’Aerodjet LM6 1,1 l. Ils remportèrent l’indice de performance aux 24 Heures du Mans 1963. Ils se classaient 11èmes au général en bouclant la course à plus de 151 km/heure de moyenne. La Matra-Bonnet Djet roulerait dans d’autres grandes épreuves, drivée par de futures stars. Aux Monte-Carlo 1966 et 1967 par exemple. Jean-Pierre Beltoise, Henri Pescarolo, Jean-Pierre Jaussaud, Jean-Pierre Jabouille, Johnny Servoz-Gavin, mettraient leurs coups de volant à son service. Elle connut aussi l’honneur de représenter la France dans les relations internationales ! En Juillet 1965, un exemplaire fut offert à Youri Gagarine lors de sa visite au Salon du Bourget. Il ne manqua sans doute qu’un budget compétition mieux garni et une volonté d’entreprise plus affirmée pour lui assurer un beau palmarès en course. Sans critiquer Matra, il est raisonnable de penser que la firme privilégiait d’autres projets plutôt que ce modèle issu d’une entreprise absorbée (monoplace, 530, prototypes Le Mans…). La Matra Bonnet Djet (ou Jet) signera plus tard de beaux résultats en catégorie historique. Pierre Moeglen fera partie des animateurs du championnat de France de la discipline avec cet exemplaire.

Straka-BMW-2002-TI – 2002 – CC-Mont-Dore-VHC- Photo-Thierry-Le-Bras
La BMW 2002 sera beaucoup mieux servie par son constructeur. Il faut dire que BMW est une firme qui a les moyens de ses ambitions et qu’au temps de la génération 2002, le développement de modèles issus de la série dans les groupes 1, 2 et parfois 5 fait partie des priorités en matière de communication. Les inconditionnels de la marque – dont je fais partie – ne peuvent que s’en féliciter. La BMW 2002 a bénéficié de préparations redoutables en groupe 2, notamment par Alpina. Elle a représenté le constructeur bavarois en championnat du monde des rallyes et gagné le Rallye autrichien des Alpes 1973. Achim Warmbold, le pilote, faisait équipe avec un Français bien connu de tous ceux qui suivent la course automobile, Jean Todt. La BMW 2002 groupe 2 se montra encore plus redoutable en circuit et en course de côte qu’en rallye. Je lui consacrerai une note spécifique. Rappelons dès à présent qu’elle a gagné plusieurs fois le groupe 2 au Mont-Dore. Notamment en 1976 où Yves Evrard devancera Jean-Pierre Beltoise, quintuple vainqueur au scratch, cette fois engagé sur une autre 2002 Ti ! Evrard offrirait une nouvelle victoire en groupe 2 à sa BMW dès 1977. Plus tard, en l’an 2002, Jaroslav Straka défendait encore les couleurs de la 2002 Ti sur les pentes du Col de la Croix Saint-Robert !
Une reine parmi les rois
La F2, c’était l’antichambre de la F1 avant qu’apparaissent les F3000 puis les GP2. Après avoir servi les aspirants champions du monde de la discipline reine, beaucoup de F2 poursuivaient leur carrière en course de côte.

Yves-Martin – Chevron-Hart-B40-F2- 1978 – CC-Mont-Dore – Photo-Thierry-Le-Bras
Le Breton Yves Martin racheta ainsi en 1973 une McLaren M 21 F2 qu’avait pilotée Jody Scheckter (plus tard champion du monde de F1 sur Ferrari). Yves remporta l’édition 1973 avec cette auto en battant le record du tracé. Une victoire qui ne se fêterait pas comme les autres car un pilote avait perdu la vie ce week-end-là dans un virage qui porte désormais son nom. Daniel Rouveyran était sorti très fort au volant d’une monoplace de F1 qu’il avait louée pour l’épreuve. Yves Martin connaîtrait lui-aussi un grave accident à la fin de l’été 1974. Après sa convalescence, il arrêterait la compétition et ouvrirait un magasin d’accessoires automobiles à Rennes. Fin 1977 pourtant, il a envie de se réinstaller dans un baquet. « Pas avec la même envie de victoire, me confiera-t-il lors d’une conversation, plutôt pour me prouver que je pouvais encore monter dans la voiture ». Yves achète cette fois une Chevron-Hart B40 à Fred Opert. Un modèle ex-Rosberg (Keke, le père), annonce le vendeur. Pas sûr toutefois car ce soit le châssis avec lequel Keke s’est imposé à Enna-Pergusa car Fred a présenté les trois voitures qu’il vendait comme ex-Rosberg. Yves n’engage pas les moyens d’un grand team. Il tracte la monoplace avec son break Ford Granada et un seul mécanicien le suit les week-ends de course. Le talent est toujours présent, même si le pilote roule avant tout pour le plaisir. Au Mont-Dore, il se classe 9ème des monoplaces, mais l’important, c’était d’être présent, de re-piloter une F2.

Jimmy-Mieusset – Martini – 1978-MK22-BMW – CC-Mont-Dore – Photo-Thierry-Le-Bras
Jimmy Mieusset (dont le vrai prénom était Robert) porta souvent les couleurs de Norev, le fabricant de voitures miniatures. Norev, la voiture de nos rêves, pensèrent plusieurs générations de petits et de grands enfants. Norev, le fabricant de petites voitures qui comprenait que la passion des bolides se vit à toutes les échelles, du 1/87ème au 1/1 ! Le Lyonnais Jimmy Mieusset fut avec Yves Martin un des premiers pilotes professionnels à se consacrer à la Course de côte. Il avait remporté la première Coupe Gordini en 1966, disputé le Mans la même année, piloté ensuite pour Matra. Il se montra très perforant en côte où il remporta cinq titres de champion de France et deux de champion d’Europe. Ce fut aussi sur une voiture de son écurie que Guy Fréquelin gagna le titre en 1979. Jimmy s’était imposé lors de l’édition 1977 à laquelle je participais. Je n’étais pas peu fier à l’époque de me trouver engagé à la même course que des gars comme lui, Jean-Pierre Beltoise, Maurice Trintignant, les Almeras et d’autres champions dont les noms avaient bercé mon enfance puis mon adolescence. En 1978, Jimmy Mieusset se classa 3ème derrière Mamers et Sourd.

Courage – Martini – 1981 – CC-Mont-Dore – Photo-Thierry-Le-Bras

Debias – Martini-MK28 – 1983 – CC-Mont-Dore – Photo-Thierry-Le-Bras
Pour conclure, plongeons nous quelques secondes au cœur des années 80. Les rois de la montagne en monoplace se nomment Marcel Tarrès, Yves Courage, Christian Debias, Marc Sourd, Daniel Boccard, Gérard Xiberras…

Anne-Baverey – Martini – 1983 – CC-Mont-Dore – Photo-Thierry-Le-Bras
Ils ont leur Reine. Elle s’appelle Anne Baverey. « Femme des années 80… ayant réussi l’amalgame de l’autorité et du charme », elle fait trembler les hommes au volant de sa F2. Anne a découvert la course automobile par le biais des VHC (véhicules historiques de collection). Tout a commencé par un test sur la neige avec Bob Neyret à l’occasion d’un séjour aux sports d’hiver. La jeune femme se révèle très douée à l’avis du professeur Bob. Monsieur Baverey (le mari) se montre moins enthousiaste. Il craint pour la santé de sa femme. Un compromis sera trouvé. Anne disputera seulement des courses d’anciennes. Un jour, Juan-Manuel Fangio la voit piloter une Bugatti 35 C à Deauville. « Madame, vous devriez faire de la F1 », conseille le quintuple champion du monde. Comment résister au passage aux épreuves de véhicules contemporains ? Anne n’ira pas en F1, mais en course de côte. Elle ne tarde pas à devenir l’égale des meilleurs. Elle remporte des courses, monte sur les podiums aux côtés de Marcel Tarrès dont elle a intégré le team. Son meilleur classement au Mont-Dore, deuxième en 1988. Une année, elle termina les essais du samedi en tête, devant tous ces messieurs ! Anne Baverey, une authentique championne qui a marqué l’histoire de la course de côte !
QUELQUES LIENS
DESIGNMOTEUR présente l’hommage de BMW à la 2002 Turbo http://www.designmoteur.com/2016/05/bmw-2002-hommage-villa-este/
La BMW 2002 Turbo de série, le défi au politiquement correct automobile, l’insolence de la performance absolue, un must pour fans avertis http://bit.ly/1RmXxGI
L’Audi Quattro groupe B de Jeanneret au Mont-Dore http://bit.ly/1TzIn2d
Un docufiction illustré au Mont-Dore http://bit.ly/1sMi8em
Un feuilleton automobile dans le monde de la course de côte http://bit.ly/1TFRLlK
Thierry Le Bras