Partager la publication "Le Tour de France Auto à Saint-Malo (3) : galerie de photos consacrées à Jaguar"
Parmi les concurrentes, des Jaguar sous les remparts de l’histoire corsaire avant de sortir leurs griffes lors des quatre étapes restantes.
Jaguar a remporté cinq fois les 24 Heures du Mans. Une Jaguar est un fauve. La vitesse s’inscrit dans les gênes de chaque modèle. Ligne féline, rugissements, souplesse et élégance, telles sont les impressions qu’inspirent ces voitures d’exception.

Mike-Hawthorn-Copyright-inconnu
Chaque que je me remémore les Jaguar des années 50 et 60, je pense à Mike Hawthorn, vainqueur des 24 Heures du Mans 1955 avec Ivor Bueb sur une Type D. J’ai découvert Mike Hawthorn après son décès. Un jour, quand j’avais sept ou huit ans, mon père m’a offert une Vanwall au 1/43ème fabriquée par Solido. Il m’a expliqué que c’était la voiture de Mike Hawthorn, un très grand pilote. Mon père adorait la course automobile et les pilotes aux caractères bien trempés. Il m’a également parlé de la carrière de Mike, de ses courses pour le compte de Jaguar. Le champion anglais était entré dans mon univers et en grandissant, je me suis attaché à en apprendre plus sur lui.
Mike s’associe naturellement à la classe, à l’élégance. Il pilote avec un nœud papillon ou au moins une cravate. Mike et Jaguar, des monstres sacrés nés pour unir leurs destins.
XK 120, la bête qu’il fallait apprivoiser
A dire vrai, je ne suis pas certain que Mike ait roulé avec des XK 120. Il posséda par contre au moins une XK 140, le modèle suivant.

Terrell-Holland – Jaguar-XK-120 – 2017 – Saint-Malo – Tour-Auto – Photo-Thierry-Le-Bras
La XK 120 n’aurait jamais dû exister. André Costa raconte son histoire dans deux numéros HS de L’Auto-Journal intitulés respectivement L’aventure automobile des années 50 et 40 Ans de passion automobile, 1950 – 1990. Jaguar voulait présenter à un salon une berline luxueuse, sorte de petite Rolls, destinée à conquérir le marché américain et à ramener des devises. Mais voilà, seuls le moteur – un 6 cylindres de3.442 cm3 développant 150 cv – et le châssis étaient prêts. Alors, William Lyons, directeur général de la compagnie, émit une idée. Présenter une « dream-car » en attendant la finalisation du vrai projet. Cette auto revêtirait la robe d’un roadster. La XK 120 naquit donc d’un dessin esquissé à la hâte et d’un bricolage sur un bâti de bois selon les techniques des carrossiers des années 20. L’auto fut nommée XK car elle était issue d’une série d’études ainsi baptisée et 120 en raison de sa vitesse de pointe, 120 miles, soit 193 km/h. Autrement dit, de sacrées performances à l’époque !

Jaguar-XK-120 – 2017 – Saint-Malo – Tour-Auto – Photo-Thierry-Le-Bras
Au salon de Londres 1948, elle conquiert les journalistes et le public. William Lyons décide de la construire en série. Les 200 premiers exemplaires sont fabriqués en aluminium. Ensuite, le constructeur choisira l’acier afin de réduire le coût de fabrication.
André Costa décrit la XK 120 comme une auto très délicate à conduire. Elle remporta cependant des succès en compétition (dès 1949 au Silverstone One Hour Poduction, puis en 1951 au Tourist Trophy, au Rac et au Rallye Liège – Rome – Liège). Elle ouvrit la voie à des programmes plus ambitieux avec les Jaguar C et D.
Jaguar MK I et MK II
Jaguar mit à disposition de Mike Hawthorn une MK I en 1958. Il disputa plusieurs courses à son volant cette année-là et remporta une épreuve à Silverstone. La firme lui permit de continuer à l’utiliser ensuite. A la fin de cette saison 1958, Mike décida de prendre sa retraite sportive. II n’eut hélas pas le temps de profiter de sa nouvelle vie et trouva la mort le 22 janvier 1959 dans un accident de voiture survenu sur une route de la campagne anglaise. Il ne fêterait pas son trentième anniversaire. Il conduisait la fameuse Jaguar MK I.

Le-Glohaec-Henanff-Brasseur – Jaguar-MK-1 – 2017 – Saint-Malo – Tour-Auto – Photo-Thierry-Le-Bras

Le-Glohaec-Henanff-Brasseur – 2- Jaguar-MK-1 – 2017 – Saint-Malo – Tour-Auto – Photo-Thierry-Le-Bras
Ce fut donc avec une certaine émotion que j’ai photographié cette voiture sœur de la MK I de Mike au parc fermé du Tour Auto le 25 avril 2017 à Saint-Malo. Un peu comme si l’histoire de Mike Hawthorn, un de mes pilotes préférés, remontait d’un coup de mon enfance à la période contemporaine. Mike fait partie des pilotes que j’aurais aimé voir en course, connaître, photographier, interviewer. Comme Pedro et Ricardo Rodriguez, Jim Clark, Didier Pironi, Henri Toivonen et Sergio Cresto, Elio De Angelis et beaucoup d’autres encore…

D-Abell-de-Libran-de-Luze – Jaguar-MK-II – 2017 – Saint-Malo – Tour-Auto – Photo-Thierry-Le-Bras
Après la MK I, la MK II. Elle ressemblait beaucoup à son aînée, avec une ligne affinée, surtout à l’arrière. La MK II autorisait une conduite très sportive et sans retenue. Elle conquit un beau palmarès sportif, notamment entre les mains de Bernard Consten qui lui offrit des victoires au Tour auto dans la catégorie Tourisme (1960, 1961, 1962, 1963). La Jaguar MK II fut à cette époque la berline la plus rapide du monde ! Rapide, mais conviviale. Dans VENGEANCE GLACÉE AU COULIS DE SIXTIES, Xavier, pilote de la Cobra du Team UTP, emprunte la Jaguar de Monsieur Daramont, patron de l’écurie, pour aller chercher à la gare ses jeunes amis Philippe et Laurent qui viennent le soutenir aux 24 Heures du Mans. Sa Lotus Elan personnelle ne permettrait pas d’accueillir les adolescents avec leurs bagages.
« La qualité Jaguar, souligne le pilote quand un des garçons compare l’habitacle à un salon. Luxe, beauté, prestige et ambiance à la fois chaleureuse et apaisante. Tout un art, un symbole du savoir-vivre britannique » (cf http://amzn.to/1nCwZYd ).
Jaguar Type E, l’héritière d’une gagnante au Mans
Un look d’enfer avec son long capot. La Type E lancée en 1961 possédait tous arguments pour devenir une star. Elle le deviendra.

Lecomte – Fondere – Jaguar-E – 2017 – Saint-Malo – Tour-Auto – Photo-Thierry-Le-Bras
« En deux mots, la plus hollywoodienne des européennes et, d’ailleurs, son succès là-bas fut énorme », écrit à son sujet André Costa dans 40 Ans de passion automobile. L’auteur souligne que la Type E n’était pas née pour la course. « La Jaguar E était une voiture de route. Mais elle avait à un tel point le look d’une voiture de compétition qu’aujourd’hui encore, il suffit d’arrêter ce long fuseau d’alliage léger le long d’un trottoir pour qu’il soit entouré par la foule. Nombreux furent d’ailleurs ceux qui s’y trompèrent, même parmi l’élite des pilotes britanniques d’alors, qui s’entêtèrent sans grand succès à transformer la E en voiture de course, avec la collaboration polie de l’usine, qui n’y croyait guère ».

Jaguar-D- 2002-Mans-Classic- Photo-Thierry-Le-Bras
Si j’aime la Type E, ce n’est pas seulement en raison de son design, mais surtout de sa parenté avec la Type D. Le châssis de la luxueuse Type E est directement issu de la Type D victorieuse au Mans. Or, ce fut justement sur une Type D que Mike Hawthorn et Ivor Bueb remportèrent l’édition 1955 de la classique mancelle. Une édition particulière car endeuillée par un terrible accident.
La première heure de course donna lieu à une bagarre incroyable entre la Jaguar de Hawthorn et la Mercedes de Fangio. Les deux pilotes roulaient comme en Grand-Prix. Le boulot de Mike était d’entraîner les Mercedes à suivre son train d’enfer. Tant pis s’il cassait pourvu qu’il épuise l’adversaire. Il est probable que ce duel sonna comme une revanche du Grand-Prix de Reims 1953 que l’Anglais avait remporté avec 36 mètres d’avance sur l’Argentin. Même s’ils se respectaient, chacun des deux pilotes entendait montrer à l’autre qu’il n’avait pas peur de lui et qu’il allait le battre. En outre, Mike Hawthorn était anglais, animé d’un fort sentiment patriote. Il avait déclaré qu’il « ne voyait pas pourquoi une voiture allemande battrait une voiture anglaise ». Son père avait combattu les nazis. Lui-même avait connu le traumatisme des bombardements sur l’Angleterre, la crainte des méfaits de la cinquième colonne, la peur de la folie meurtrière d’Hitler. La guerre n’était pas loin en 1955… Mike aimait son pays. Il entendait le défendre, le mettre à l’honneur. Il battit le record du tour lors de cette première heure de course. Il avait roulé à la moyenne de 196,963 km/h. La Type D atteignait 282 km/h dans les Hunaudières ! Hélas, un concours de circonstances aussi improbable que dramatique allait gâcher le duel des Titans. Macklin (Austin Healey) et Levegh (Mercedes), à qui il avait pris un tour et qui le suivaient, n’anticipèrent sans doute pas sa manœuvre tardive d’arrêt au stand pour ravitailler. Ils s’accrochèrent, déclenchant l’enchainement fatal à Pierre Levegh ainsi qu’à quatre-vingt-deux spectateurs.

Mike-Hawthorn-Jaguar-D- preview-lap-1956 – Le -Mans – copyright-inconnu
Une décision judiciaire du 10 novembre 1956 considéra qu’il n’y avait pas lieu d’engager une action pénale contre qui que ce soit car rien ne prouvait que quiconque ait pu commettre un homicide ou des blessures involontaires par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou non observation des règles. C’était sans doute la meilleure décision possible car il vaut mieux s’attacher à éviter d’autres drames dans l’avenir que chercher des coupables à tout prix pour des accidents que rien ne permettait raisonnablement de prévoir. Tout se passe très vite en course. Les infrastructures peuvent être mises en cause, mais comment reprocher à un pilote qui est là pour rouler à la limite de sa voiture un concours de circonstances qui se produit en une fraction de seconde ? Mike Hawthorn et son équipier Ivor Bueb remportèrent les 24 Heures du Mans 1955. Leur victoire ne fut pas célébrée comme les autres. « Triste victoire qui n’est cependant pas sans mérite, écriront Paul Massonnet et François Cavanna dans le livre Les 24 Heures du Mans paru en 1963 à La Librairie Charpentier. Puisque les vainqueurs ont battu le record de la distance : 4.135 km 380 à 172 km/h de moyenne ». Une performance réalisée dans de très mauvaises conditions météo avec une pluie quasiment incessante après l’accident. Les deux années suivantes, des Type D gagnèrent à nouveau l’épreuve. Cette voiture correspondait à l’esprit Jaguar, la firme qui a choisi comme marque et emblème le plus puissant des félins.

Lok-Vedrenne – Jaguar-E – 2017 – Saint-Malo – Tour-Auto – Photo-Thierry-Le-Bras
Si Jaguar ne s’attacha pas à faire de la Type E une bête de course comparable à la Type D, la GT au long capot connut un beau succès. La clientèle répondit présente puisque la production dura jusqu’en 1975 et que 75.507 exemplaires furent vendus. Aujourd’hui encore, le public montre un grand intérêt lorsqu’un exemplaire apparaît à l’occasion d’une course de véhicules historiques. Un seul regret, un palmarès en compétition nettement moins brillant que celui des Cobra et Ferrari malgré la présence de pilotes tels que Jackie Stewart et Graham Hill. La faute sans doute au défaut d’implication de l’usine qui n’y croyait et ne faisait pas de la course une priorité à cette période.
QUELQUES LIENS
DESIGNMOTEUR présente des photos du départ du Tour Auto 2017 https://gotmdm.com/auto/2017/05/photos-depart-tour-auto-chateau-neuville/
Le blouson vert de Ronan dont le premier héros d’enfance fut Mike Hawthorn http://bit.ly/2pXbeKh
Quand Françoise Sagan parlait d’automobile, elle n’oubliait pas Jaguar http://bit.ly/1IG7PSz
Admiration pour Françoise Sagan dans ce roman avec une très jolie femme QUI conduit son cabriolet anglais pieds nus … http://amzn.to/1nCwZYd
Apprendre à conduire en Lotus http://bit.ly/1Q5ghzu
Thierry Le Bras