Partager la publication "Sur terre et sur mer, des pilotes cèdent à l’appel des horizons lointains"
Le Vendée Globe 2016 s’est élancé le 6 novembre. Dans quelques semaines, les concurrents du Dakar entameront une nouvelle aventure. Les pilotes aiment élargir leur terrain de jeu aux océans et aux continents.
Si aujourd’hui de nombreuses disciplines concentrent les pilotes sur un site précis, les premières épreuves dégageaient un parfum d’aventure et de voyage. Les débuts de la course automobile consacrèrent les épreuves de ville à ville.

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A la fin du XIXème siècle et au début du XXème, les fous roulant dans leurs drôles de machines s’affrontèrent sur les parcours de Paris–Saint-Malo, Paris-Berlin, Paris- Vienne. En 1903, 275 équipages s’engagèrent au Paris-Madrid, une course folle où s’engagèrent des pilotes de Panhard Levassor, de Renault Frères, de Mercedes, de Mors… Les chevaux mécaniques dévorent les routes d’Europe et surclassent la plus noble conquête de l’homme. La révolution mécanique est en piste. Rien ne l’arrêtera.
La course de tous les dangers
A quelques kilomètres de Poitiers, Marcel Renault roule à 130 kilomètres heure. Il double un autre concurrent qui, croit-il, s’incline face à sa supériorité. Derrière le nuage de poussière soulevé par l’adversaire qu’il double, il découvre horrifié un contrôleur qui agite un drapeau annonçant un virage serré. La Renault-Frères freine trop tard, s’envole sur le talus bordant la route, puis part en tonneaux dans un champ. Le conducteur et le mécanicien sont tués sur le coup.

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A l’approche de Bordeaux, Louis, le frère de Marcel, mène la course. Il ignore tout de la douzaine d’accidents qui ont tué huit personnes depuis le départ. Paris-Madrid s’arrête à Bordeaux. La République tremble. Le Ministère Combes retire l’autorisation accordée à la course. En Espagne, le Roi Alphonse XIII prend la même décision. C’en est fini des courses de ville à ville. Les pilotes devront trouver d’autres terrains de jeux.
Je l’ai mentionné dans diverses publications, le Dakar et la Route du Rhum sont nés à quelques mois d’intervalle en 1978. Curieusement, dix ans plus tôt, deux grandes aventures, l’une maritime, l’autre terrestre, allaient aussi voir le jour quasi simultanément et passionner le public ainsi que les média.

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Un journal anglais, le Sunday Times, décide d’organiser le Golden Globe, une compétition entre tous les navigateurs disposés à tenter un tour du monde en solitaire et sans escale. Les règles de la course sont simples. Il suffit de partir d’Angleterre entre le 1er juin et le 31 octobre 1968 et de ramener son bateau au point de départ après avoir franchi les trois grands caps. Ce pari fou séduit neuf marins dont le Français Bernard Moitessier. Cinq d’entre eux abandonnent très rapidement de telle sorte que quatre hommes seulement se mesurent au mers du Sud. Robin Knox –Johnston sera le premier à revenir. Et le seul. Le bateau de Nigel Tetley se désintégrera après avoir franchi le Cap Horn. Son barreur sera sauvé par un pétrolier mais, trop éprouvé par l’aventure, il ne parviendra pas à s’en remettre et se suicidera quelques mois plus tard. La victoire semble un temps promise à Bernard Moitessier. Il y renonce et entame un second tour du monde… pour sauver son âme. Le dernier bateau en mer est celui de Donald Crowhurst. Le Britannique a tenté une imposture magistrale qui le dépasse. Au lieu d’effectuer un tour du monde complet, il reste flâner le long des côtes du Brésil en attendant que les autres regagnent l’Atlantique. On retrouvera son voilier vide. Le navigateur s’est suicidé.
A la poursuite des horizons lointains
La même année, en 1968, le concept des courses terrestres de ville à vielle renaît de ses cendres. Sera-t-il aussi éprouvant qu’un tour du monde sur mer ? Là encore, c’est un patron de presse, Max Aitken, qui lance l’idée. Il y associe le Dayly Miror. Ce nouveau rallye de 16.000 kilomètres partira de Londres et s’achèvera à Sydney après avoir traversé 11 pays dont l’Afghanistan, l’Iran, les Indes. 98 voitures prendront le départ de ce grand périple. Parmi elles des Ford 20 M RS, Cortina Lotus, Falcon, une R 16 TS, des Porsche, des DS 21, des BMC, des Hillman Hunter…

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Parmi les favoris, le récent vainqueur des 24 Heures du Mans, Lucien Bianchi qui pilote une DS 21. Lucien mérite sans conteste le titre de pilote le plus éclectique de l’année. En F1, il a conduit sa Cooper sur la troisième marche du podium du prestigieux Grand-Prix de Monaco et à la sixième place du GP de Belgique. Avec Pedro Rodriguez, il a triomphé aux 24 Heures du Mans. A 150 miles du premier marathon Londres-Sydney, le voilà en tête de ce rallye extraordinaire ! Hélas, le sort frappe Lucien et son équipier Jean-Claude Ogier. Il prend la forme d’une voiture de touristes qui percute la DS 21.

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La DS 21 est immobilisée. Le pilote et le co-pilote sont conduits à l’hôpital. Tout ça par la faute de la bêtise d’un conducteur du dimanche ! La victoire revient finalement à une Hillman Hunter.

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D’autres éditions du Marathon Londres – Sydney se sont déroulées. Celle de 2004 se disputait du 5 juin au 4 juillet. La première épreuve spéciale se courut à Lohéac, en Bretagne. Elle faillit bien être fatale à Joe McAndrew. Mais le Champion de Nouvelle-Zélande est un pilote combatif et performant. Au prix d’une course poursuite infernale, il parviendra à refaire son retard et à s’imposer à Sydney avec 18 minutes d’avance sur son dauphin.

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La course était ouverte aux voitures du groupe N ne dépassant pas 2000 cm3 comme la Honda Integra. Et aussi et aux véhicules historiques fabriqués au plus tard en 1977, ce qui permit à des VHC de se mettre en évidence. Notamment des Ford, comme l’Escort RS et la Mustang !
Des vagues océaniques aux déserts de sable
Amateurs de sensations fortes, les coureurs au large sont devenus aujourd’hui des pilotes de F1 des mers. Laurent Bourgnon, Philippe Monnet, Alain Gautier, Loïck Peyron et d’autres encore se sont laissés tenter par des engagements en course automobile.

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Parmi les skippeurs amateurs de sport automobile, le Malouin d’adoption Louis Burton. En 2012, il s’engage au Vendée Globe et doit renoncer après quatre jours de course à cause d’une collision avec un chalutier. Mais Louis n’a pas envie de passer l’hiver au coin de la cheminée. Alors, il s’engage dans une autre aventure, le rallye-raid. Il trouve un buggy à vendre sur Le bon coin, convainc son ami Arnaud Duchesne de le naviguer, et s’engage à l’Africa Eco Race, une épreuve qui emprunte le tracé de l’ancien Paris-Dakar. Au programme, six mille cinq cents kilomètres de piste, de dunes, de désert. Quelques soucis, de la casse dans certaines étapes, mais une très honorable 39ème place à l’arrivée pour l’équipage qui découvre la course automobile.

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Depuis, Louis Burton a retrouvé le cockpit d’un monocoque de 60 pieds pour les plus grandes épreuves, Route du Rhum et Vendée Globe. Il fait partie des 29 concurrents de l’édition 2016 du Tour du monde en solitaire. Le reverrons-nous au volant d’une voiture de course ? Pourquoi pas ? La passion du pilotage ne s’oublie pas.
QUELQUES LIENS
DESIGNMOTEUR raconte des coureurs au large qui ont participé au Dakkar http://www.designmoteur.com/2015/01/dakar-route-du-rhum/
Le coureur au large consultant météo d’un team aux 24 Heures du Mans http://bit.ly/25TaV2X
Fanfiction Club des cinq. L’automobile et la course au large présentes dans l’univers parallèle qui aurait pu être celui de ses membres dans un univers parallèle http://bit.ly/2fLTRHU
Thierry Le Bras