Partager la publication "Les sorcières s’invitent au Rallye d’Halloween (3/5)"
David est le personnage principal de plusieurs romans policiers dont CIRCUIT MORTEL et LE PACTE DU TRICHEUR. Pour vous faire mieux connaître sa vie à l’époque de son adolescence, j’ai le plaisir de vous offrir un feuilleton en 5 épisodes. Cette histoire met David en scène dans le même univers que les romans, celui de la course automobilee et des superstitions qui rôdent auteur des pilotes…
Dans l’épisode précédent ( http://bit.ly/2ePhjjM ), nous avions laissé la Vivia de David et d’Éric dans les premiers kilomètres du Rallye des Monts d’Arrée. Ronnie avait mis en déroute le voyou qui avait balancé un cercueil roulant miniature dans leur voiture. Mais la crapule avait réussi à s’enfuir grâce à l’intervention des pompiers.

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Réalisant qu’ils n’atteindraient pas à temps le virage où ils avaient prévu de suivre le passage du Coupé Vivia 2.0 T, Ronnie, Dominique et Nick décidèrent de les attendre au premier point d’assistance où l’équipage bénéficierait d’un bon quart d’heure de pause. La conversation s’engagea pendant que Michel, l’ingénieur affecté à la voiture, l’examinait avec un mécanicien.
– Comment s’est passée la spéciale ? s’inquiéta Ronnie lorsque la Vivia s’immobilisa derrière le fourgon d’assistance.
– Bien sur la fin, mais deux ou trois travers au début, grommela Éric. L’autre taré m’a déconcentré. Vous savez qui c’est, les gars ?
– Non, avoua Nick avant de résumer ce qui s’était passé sur la zone de départ pendant que la Vivia fonçait dans le secteur chronométré.
– Punaise, regardez l’aile arrière, coupa Dominique. Un autocollant de l’Ankou !
L’Ankou a mauvaise réputation en Bretagne. Dans Les légendes de la mort, Anatole Le Braz le décrit comme l’ouvrier de la mort. Il ramasse les âmes de ceux qui passent de vie à trépas. Entendre sa charrette grinçante ou l’apercevoir signifie une fin prochaine. Gare à qui se trouve sur la route de l’Ankou. La mort s’apprête à fondre sur lui.

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– Filme le puis arrache le, commanda David à Nick. Pas question de repartir dans la prochaine spéciale avec ce porte-poisse sur l’auto.
– Avez-vous remarqué quelque chose de particulier chez le messager au cercueil ? questionna Éric. Un indice qui permettrait de l’identifier ?
La semaine, Éric troquait sa combinaison et son casque de pilote contre une robe d’avocat. Son métier le mettait régulièrement en contact avec des enquêteurs et il connaissait mieux que la plupart des gens les détails qui font tomber les crapules.
– Un type grand, jeune, en bonne condition physique vu la vitesse à laquelle il a déguerpi, réfléchit Ronnie. Pas un gars habitué à se châtaigner. Il ne savait pas se servir de son allonge ni esquiver. Il se protégeait maladroitement… Bizarre chez un mec envoyé en mission commando qui devrait être rodé à la castagne…
– Rien d’autre ? insista l’avocat.
– Ah, si… Une odeur d’eau de Cologne bon marché. Nauséabonde.
– Ouais, se souvint David. Il schlinguait l’eau de camelote, ce relou. Il m’a collé l’envie de gerber quand il a approché. Beurk…
– Tu penses la même chose que moi ? intervint Nick.
– Je crois, oui, murmura David.
Les visages se tournèrent vers le jeune navigateur.
– Encore un sale coup de la morue, grogna David.
La morue, c’était Soizick Pierret, la seconde épouse du père de David, une prédatrice assoiffée de blé qui détestait son beau-fils et entendait croquer le patrimoine de son mari sans en perdre une miette. Son doux surnom lui collait aux écailles, eueeuhhh, à la peau.
– Cool, tempéra Dominique. A chaque fois qu’il vous arrive une merde, vous pensez à elle.
– Normal, ricana Éric. Elle en a tellement fait que maintenant, on se méfie.
– Pourquoi elle ? demanda Dominique.

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– Association d’idées avec l’eau de Cologne. C’est une tradition familiale dans le gang de la morue. Ils s’en aspergent tous, un vrai atavisme. Ils chantent que c’est mieux que le parfum tout en coûtant moins cher. Mon père a essayé d’offrir des parfums de luxe à cette grognasse. A chaque fois, il a récolté des scènes épouvantables où elle lui a reproché de jeter l’argent par les fenêtres. C’est Justine qui me l’a raconté. Ce que veut cette trainée, ce sont ses sous et de la pierre au sens d’immobilier. Pas des parfums, pas des bijoux. D’un autre côté, c’est assez logique aussi. Elle vit avec un mari qu’elle a du mal à supporter et qu’elle n’a épousé que pour réussir le hold-up parfait sur ce qu’il a. En plus, elle est tellement moche qu’un ravalement de façade et quelques ornements ne suffiraient pas à lui donner un air moins détestable.
Justine était la sœur de Valentine Sorbet, la meilleure amie de la morue. La seule personne que David appréciât dans le panier de crabes au sein duquel évoluait sa marâtre.
– Je sais à quel point tu hais ta belle-mère, persiffla Dominique, mais l’agresseur, c’était un mec, pas elle.
– Yes, riposta David. Je ne dis pas que c’était elle, gros malin. Juste quelqu’un de sa famille et je crois deviner qui… Pour le reste, je la déteste et je voudrais la voir crever, pas faux. Question de légitime défense car j’en ai ras le bol de ses crasses et de tout ce qu’elle fait subir à mon père, comme draguer son associé préféré sous ses yeux.
– ?????
– Le voyou masqué, c’était à coup sûr un des fils du cousin de la morue. Elle s’entend comme larrons en foire avec le cousin en question. Lui, il n’est plus net qu’elle. J’ai entendu mon père dire une fois qu’il magouillait des pots de vin dans des marchés publics et qu’il vendait des infos confidentielles sur les projets de son administration. J’ai vu deux fois les rejetons du bonhomme. Ils ont dans les 20 à 25 ans et se font un max de thunes en organisant des soirées privées avec tout ce qu’on veut, came incluse. Inutile de préciser que je ne les fréquente pas, ces parasites.
– Bon, ben c’est juste une mauvaise blague sans danger alors, rigola Dominique qui voulait avoir le dernier mot. Il t’a fait peur, Ronnie lui a pété la gueule. Vous êtes quittes.

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– Pas si sûr, soupira David. La morue et sa copine Valentine Sorbet pratiquent le Vaudou ou des trucs du genre. Enfin, surtout la morue, l’autre, la Sorbet, elle se contente de prévoir le nombre d’enfants qu’auront les gens dans leur vie en jouant avec un pendule.
– Tu crois que ça marche ? interrogea Ronnie, dubitatif.
– Je n’affirme pas que ça marche, je sais juste qu’elle essaie. Maintenant, depuis le Ralllye des Volcans d’Auvergne, je ne garantirai pas que les sorciers n’ont aucun pouvoir.
– Rappelle-toi l’histoire avec Boris, suggéra Nick.
David raconta l’anecdote.

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– Ça s’est passé au printemps dernier. Boris est un bon copain de classe. Il habite à Saint-Norbert –sur-Ille, une petite commune à un quart d’heure de train de Rennes. Comme notre lycée est à cinq minutes à pied de la gare, il vient et rentre en train tous les jours. Un vendredi, il s’est trouvé piégé par une grève surprise. Il est arrivé en retard le matin et il n’avait pas de train pour rentrer le soir. Je lui ai proposé de le ramener à moto. Je lui ai passé mon casque et j’ai pris le casque de secours, celui qu’utilise Isa quand elle monte avec moi. Il était imprégné de l’odeur de son parfum et c’était à moi d’en profiter, pas à Boris qui n’a qu’à respirer l’odeur du parfum de sa copine à lui ! Nous en avons plaisanté, d’ailleurs.
– Je ne vois pas le rapport avec ta belle-mère, observa Dominique.

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– Attends, tu vas comprendre. Les parents de Boris m’ont invité à dîner. Sa mère avait mijoté une brandade de morue. Je suis resté dormi chez eux. Je ne suis rentré à Rennes que le samedi après-midi, finalement. Le dimanche, je déjeunais chez mon père et sa morue. J’y suis allé à moto, avec mon casque habituel cette fois. Un moment, je me suis levé de table pour aller aux toilettes et j’ai trouvé la Valentine la main dans le casque. Elle a rougi et prétendu que c’’était par curiosité, histoire de voir en quelle matière c’était. J’ai fait semblant de la croire. Je ne voulais pas de salades. Je mange chez eux deux ou trois fois par an et je ne pense qu’à une chose quand j’arrive, repartir le plus vite possible. J’ai donc pris congé dès que j’ai pu. Le lundi matin, je me suis réveillé avec un peu de fièvre, des démangeaisons et des plaques rouges sur tout le corps.
– Simple intoxication alimentaire, dit Dominique.
– Humm, c’est ce que j’ai pensé au début. Sauf qu’en fin de matinée, nous avions sport. Quand nous nous sommes mis en tenue, j’ai remarqué que Boris était dans le même état que moi. Il soupçonnait le reste de brandade de morue de sa mère qu’il avait réchauffé le dimanche midi alors que ses parents étaient partis jouer au golf. Notre pote Charles a ironisé que la morue plus très fraiche, c’était hautement toxique. Boris s’est étonné que j’aie la même chose que lui alors que j’avais mangé la brandade fraiche…

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– Il y a une explication, confortée par des observations de Justine, intervint Nick.
– Oui, poursuivit David. J’étais intrigué par cette histoire et je ne pouvais pas m’empêcher de songer à la Valentine tripotant mon casque. Je me suis arrangé pour croiser Justine à la sortie de son bureau et elle m’a avoué que sa sœur et la morue s’étaient enfermées dans un boudoir le dimanche après-midi. Elle a aussi laissé échapper qu’elles essayaient des trucs surnaturels avec des poupées. Là, j’ai compris. Elles ont tenté une recette de sorcellerie plus ou moins apparentée au Vaudou avec des cheveux piqués dans mon casque et collés sur une figurine. Seulement ce jour-là, il restait des cheveux de Boris. Elles ne le savaient pas. Boris est un peu moins brun que moi, mais en prélevant des cheveux à l’unité comme elles l’ont fait, c’était indétectable. Elles ont travaillé sur des cheveux de nos deux têtes et le lendemain, nous étions couverts de plaques rouges…
– Pas convaincant, contra Dominique. Vous avez fait tous les deux une allergie à la morue ou à quelque chose d’autre que vous aviez mangé le vendredi.
– Ben tiens ! Et nous avons été les seuls touchés ? Les parents de Boris et sa petite sœur ont mangé les mêmes plats le vendredi sans être affectés. J’ai parlé de mes doutes à Boris. Ill est resté perplexe, D’autant que sa sœur a mangé la dernière part de morue le dimanche soir, donc quelques heures après lui, sans aucun dommage. Par-dessus le marché, la marâtre m’a appelé le lundi soir sous un prétexte futile. Elle avait soi-disant trouvé un CD dans le séjour et se demandait si c’était à moi. Tu parles, si elle avait trouvé quelque chose qui m’appartenait, cette rapace l’aurait gardé sans rien dire. Elle m’a demandé si j’allais bien et si tout s’était bien passé au lycée. D’habitude, elle ne m’appelle jamais et nous nous parlons à peine lorsque nous nous voyons. Elle voulait savoir si son sort avait fonctionné, et pis c’est tout !

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– La morue joue sur deux tableaux avec son cercueil roulant miniature, analysa Nick. D’abord, vous faire peur et vous déconcentrer en espérant provoquer un accident. D’autre part, essayer de la sorcellerie, Vaudou ou autre. Le soir d’Halloween, les morts sont supposés sortir de leurs tombes. Qui sait si elle n’appelle pas ses ancêtres à la rescousse contre nous. Brrrrr, des dizaines de squelettes de Pierret morts vivants, c’est bien le pire cauchemar qu’on puisse imaginer ! Elle croit sans doute que la date d’Halloween et les terres favorites de l’Ankou amplifieront ses pouvoirs de nuisance.
– Terrifiant, approuva David… Nous avons déjà envisagé qu’elle ait pratiqué la sorcellerie au moment de séduire mon père (1).
– Ce que je crois volontiers, convint Éric. J’ai bien connu Grégoire au début de son mariage avec ma sœur (NDLR : la mère de David). Je l’ai eu longtemps comme client. J’ai souvent vu ses yeux obliquer vers de belles poitrines et de jolies paires de fesses. Par contre, je ne l’aurais jamais imaginé se laissant tenter par un boudin tel que la morue. Sauf ensorcellement, bien sûr…
– C’est l’opinion générale, soutint Ronnie qui n’était pas un lapin de six semaines et connaissait bien l’histoire de la famille.
– Qu’est-ce qu’on fait du cercueil roulant ? demanda Nick. Je propose de le prendre pour l’instant et de téléphoner à Clarisse et e’ Edmond (2). Ils sauront comment neutraliser ses effets maléfiques, s’il en possède.
– Pas la peine de perdre du temps à appeler les Auvergnats, intervint Michel. En Bretagne, je sais ce qu’il faut faire à un objet ensorcelé. Passe-moi ce truc. David.

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– D’accord, remercia le jeune homme. Nous n’avons pas de grigri dans la voiture. Enfin, à part les médailles de Saint-Christophe que grand-père a tenu à faire coudre dans nos combinaisons. Il est allé les faire bénir au temple de la course auto, à Montlhéry. Je ne parierai pas sur les pouvoirs comparés de nos médailles face à un cercueil roulant miniature ensorcelé…
– Pourquoi ne pas appeler le père de David ? conseilla Dominique. Il pourrait calmer sa femme.

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– On voit bien que tu ne le connais pas, opposa David. Il m’en voudrait d’avoir compris les plans de sa sorcière bien aimée. Au mieux, il ne ferait rien du tout. Au pire, il chercherait un moyen de l’aider. T’as déjà vu un génie des affaires converti en pauv’ type par le sortilège sorti du grimoire d’une garce ? Non ? Bon, tu prends mon père et tu auras le prototype qui a servi à la série. Il dit toujours « quoi qu’elle fasse, pour moi, ma petite Soizick chérie aura toujours raison. Le jour où après lui avoir tout pris, elle lui assénera le bouillon de 11 heures ou une autre recette d’assassinat – ça arrivera un jour, il le pensera encore. ». Le meilleur des mondes possibles dans sa tête, c’est celui où sa pouf est contente. Alors, si ce scénario, il doit impliquer notre mort, ce n’est pas grave puisque c’est la meilleure chose possible dans le meilleur des mondes possibles.
La réplique jeta un froid. A part Dominique, tous savaient que David exprimait la réalité familiale sans exagération. Pour l’heure, il était temps de partir vers la prochaine spéciale. L’équipage s’apprêta à remonter dans la Vivia.
– Bon, je propose d’essayer de retrouver le bandit masqué, enchaîna Ronnie.
– Autant chercher une aiguille dans une botte de foin, le dissuada Nick. Il faudrait un pendule magique pour le trouver maintenant.
– Nick, t’es un génie ! s’enthousiasma David. Essaie d’appeler Charles (3) et Boris et demande leur s’ils peuvent se rendre disponibles. Nous allons avoir besoin d’eux. Je vous explique le reste du plan après la spéciale.
Quelque chose grinça au niveau de la roue gauche avant lorsque la Vivia démarra.
– On dirait la charrette de l’Ankou, frémit Dominique.
– Mais non, c’est une plaquette de frein, crétin, corrigea Ronnie.
Nick était très pâle.
A suivre…
QUELQUES LIENS
DESIGNMOTEUR présente un autre épisode de l’histoire du Rallye, la Berlinette Alpine http://www.designmoteur.com/2016/02/alpine-a110-heritage/
(1) CIRCUIT MORTEL, disponible en version papier http://bit.ly/1XEpx1J
(2) LE PACTE DU TRICHEUR, disponible en eBook pour 1 €.. Le roman est présenté ICI http://bit.ly/1yMRJ54
(3) Angoisse au bord de la piste avec David, Charles et des amis auvergnats http://0z.fr/U10ZB
Thierry Le Bras