Discipline phare des années 70, la course de côte a régressé ces dernières décennies et c’est dommage car son intensité offrait le spectacle d’affrontements spectaculaires entre pilotes bouillants.
Éric est un personnage de l’univers de David Sarel, un des héros récurrents de mes romans. Éric a commencé à piloter en 1976 après avoir navigué Freddy Vivien en rallye les années précédentes. Le temps a passé. Entré dans la soixantaine, Éric raconte à son fils Fabien qui aborde la trentaine et perpétue les traditions familiales, notamment le pilotage, quelques anecdotes vécues à une époque devenue Vintage. Jérémy, le meilleur ami de Fabien et aussi son navigateur en rallye, assiste à la discussion. La scène se déroule à la Brasserie Auto-Passion, boulevard Brune Paris (XVIIème), un des restaurants préférés du clan dans la capitale. Le Tour de chauffe (cocktail rhum, Passao, jus d’orange) en attendant le Menu Rallye incite aux souvenirs agréables et aux confidences.

Alfa-Romeo-Giulia-coupé-1600 – Photo-Thierry-Le-Bras
Flash-back sur une époque d’insouciance, d’amour de la vitesse, de recherche du dépassement de soi.
Plaisir et travail de reconnaissance
« Je me souviens encore de Plumeliau 1977 dans le Morbihan, expose le père. J’étais arrivé sur le site le vendredi soir avec Mikaël (1). La course se déroulait tout début juillet. Il faisait beau. Nous campions tous dans le parc fermé en bas du tracé. Ronnie et Luc étaient là aussi ».
– Tu avais l’Alfa à cette époque ? interroge Fabien.
– Oui. Un coupé GTV 2000 groupe 1. Ronnie courait sur une Simca 1200 S groupe 3 et Luc sur une 1000 Rallye 2 groupe 1. Nous figurions tous les trois parmi les favoris de nos catégories respectives.

Ronnie – Simca-1200-S- (1)
– Je suppose que vous avez commencé à reconnaître le vendredi soir ? demande Fabien.
– Évidemment. Nous avons d’abord fait quelques montées avec nos voitures de tourisme.
– Quels modèles ? questionne Jérémy. Je suppose que vous n’aviez pas des diesel qui se traînaient et sentaient mauvais.
– Oh, non. Diesel, c’était un gros mot pour nous. Moi, j’avais un coupé Alfa 1600, Ronnie un coupé Peugeot 504 et Luc une R 16 TS. Nous amenions chacun un navigateur qui nous annonçait les notes comme en rallye. Dans mon cas, c’était Mikaël. Puis au bout de quelques montées, lorsque nous connaissions par cœur, il se taisait.
Mais les voitures de tourisme, même performantes, ne donnaient pas la même impression que les voitures de course préparées et équipées de slicks. En fin de soirée, il était donc fréquent que les pilotes tournent avec leurs voitures de compétition. Plaques masquées, équipées de pots d’échappement libre et de pneus lisses, les machines qui allaient en découdre le dimanche investissaient la route encore ouverte à la circulation.
– Nous voulions préciser nos repaires de freinage, de trajectoire, préparer au mieux les montées chronométrées, précise Éric. Ce soir-là, nous nous sommes organisés conformément aux habitudes et usages. Nous montions les uns derrière les autres, nous faisons demi-tour en haut, nous redescendions la piste lentement en convoi, et nous repartions pour une nouvelle montée. Comme souvent, Luc s’est amusé à énerver Ronnie. Ils étaient copains tous les deux, mais ils entretenaient une rivalité exacerbée. Alors, Luc se plaçait derrière Ronnie. Et au lieu d’attendre trente secondes après le départ de la 1200 S, il démarrait juste derrière et lui montrait en le talonnant qu’il était un peu plus vite. De toute façon, les deux voitures n’étaient pas dans le même groupe.

Luc-Simca-1000-Rallye-2 – Photo-Thierry-Le-Bras
« En plus, la Rallye 2 était un peu plus performante que la 1200 S. A cette époque, Ronnie était sans doute légèrement moins rapide malgré un super sens de l’attaque et un cœur énorme. Ce n’est pas pour rien que nous le surnommions Ronnie alors qu’il se prénommait en réalité Ronan. Il voulait attaquer aussi fort que son modèle, le Suédois Ronnie Peterson. Luc quant à lui possédait un talent naturel incontestable et une facilité étonnante. Il se croyait toujours imbattable. Mais Ronnie était animé par une rage de vaincre qui valait celle d’un champion du monde de Formule 1. Il se donnait à fond. Au fil des années, en apprenant à maîtriser sa fougue, je suis convaincu qu’il était devenu meilleur que Luc. Il m’a étonné quand j’ai fait équipe avec lui plus tard aux 24 Heures de Paris, à Chamonix, à Serre-Chevalier, à Bourges et lors d’autres d’épreuves sur glace et sur terre.
« Voyant le jeu de Luc avec Ronnie, Jacques Dumoulin qui courait sur une Alfa 2000 GTV blanche s’est mis en tête de jouer au même jeu avec moi. Objectivement, c’est super énervant et ça multipliait les risques dans la pratique d’un exercice déjà dangereux.

Eric – Alfa-Romeo-2000-GTV – Photo-Thierry-Le-Bras
« D’ailleurs, j’ai failli me sortir dans une grande courbe rapide. J’ai pris le bas-côté et je suis parti dans une série de travers que j’ai rattrapés par miracle. Merci Saint-Christophe. Du coup, Jacques a repris ses distances lors des montées suivantes. Ronnie par contre a fait croire à Luc qu’il s’arrêtait, puis il est reparti juste dans ses pare-chocs. Luc avait tellement peur de paraître moins bon que lui qu’il a fait des tas de petites fautes et que Ronnie a fini la montée collé à son pare-chocs et persuadé qu’il allait lui coller une valise le dimanche. Ils ont parié sur leurs temps au scratch.
– Qui a gagné ? questionne Jérémy.
– Luc, comme souvent lorsqu’il pariait sur une course ou un défi sportif avec Ronnie. Mais l’important, c’était que Ronnie gagne sa catégorie, ce qu’il a réussi, contrairement à Luc et à moi qui finîmes seconds de nos classes respectives lors de cette épreuve.
Des sportifs complets
– Quinze jours après, Luc lançait un nouveau défi à Ronnie. Une course à vélo sur le parcours de la course de côte. L’enjeu, un dîner dans une pizzeria de Larmor Plage. Ronnie était carrossier. Luc se préparait à devenir prof de sport. Il s’entraînait comme une bête dans des tas de disciplines, parcourait des kilomètres à vélo sur les routes l’été, pratiquait le vélo d’appartement l’hiver. Ronnie n’en faisait pratiquement plus depuis sa première mobylette à 14 ans. Outre les sports mécaniques, il adorait le cyclisme et la lutte et se laissa aisément convaincre. Il a fait deux ou trois sorties pour se mettre en condition.

Ronnie-et-Luc – course-cycliste (1)
Ronnie, le blond, short noir, Luc, le brun, short orange et noir. Qui allait l’emporter ? Ronnie n’était pas très grand, râblé, costaud, capable d’aller très loin dans l’effort. Luc lui rendait trois centimètres en taille, mais les séances de musculation lui avaient forgé une musculature d’haltérophile et il pesait deux kilos de plus que Ronnie.
« Ronnie et Luc m’avaient demandé de venir les chronométrer. Mikaël état également convié, avec pour mission de photographier le duel. En contrepartie de notre concours, Mikaël et moi étions invités au dîner aux frais du perdant. J’étais inquiet du résultat. J’ai toujours beaucoup apprécié Ronnie. Luc était un copain, mais Ronnie était un véritable ami, un proche, quasiment un frère.

Ronnie-vs-Luc – Course-cycliste
« Luc, bien préparé et en grande forme, est parti très fort. Il a mené dans l’enfilade en sous-bois qui constitue la première partie du tracé. Bien que surpris par ce départ quasiment au sprint, Ronnie s’est accroché. Pas question de lâcher du terrain. Après le sous-bois, la route commençait à monter. Les deux adversaires se sont mis en danseuse. Dans le droite qui suit, Ronnie a tenté un démarrage. Un sursaut d’orgueil. Il a tenu quelques centaines de mètres. Son visage grimaçait de douleur. Il se mettait dans le rouge, mais il était devant, et assez rapide pour que Luc ne passe pas. Le futur prof de gym a même perdu trois longueurs sur ce tronçon. Luc ne l’a jamais avoué, mais les photos prises par Mikaël (penché à la fenêtre passager de ma voiture devant les coureurs) trahissaient son inquiétude. A ce moment-là, Luc s’est vu vaincu.
« Au bout de la côte, un virage à quatre-vingt-dix degrés à gauche, un changement de rythme, un dernier secteur à peu près plat avec des grandes courbes à fond absolu à vélo. Un final de rouleurs. Ronnie progressait dans une position aérodynamique, mâchoires serrées, regard déterminé, convaincu que cette fois, il passerait la ligne d’arrivée en tête. Plus que cinq cents mètre et le bruit des roues du vélo de Luc sur le bitume tout près derrière, puis à gauche de son concurrent… Épaule contre épaule, les deux garçons, aussi orgueilleux l’un que l’autre, poursuivaient leur mano à mano. L’épaule de Luc toucha celle de Ronnie à plusieurs reprises. Le blond roulait désormais à la limite du bas-côté, secoué par les ornières. Plus que quatre cents mètres et une roue d’avance pour Luc. Puis une longueur, puis trois longueurs, puis le trou. Ronnie avait coupé son effort afin d’éviter l’accrochage ou le passage dans un bas-côté irrégulier quand Luc s’était rabattu devant lui. Il ne trouvait pas de second souffle, ses jambes lui faisaient mal, il explosait. Luc triomphait. A l’arrivée, les deux peinèrent à retrouver leur respiration. Ronnie baissait la tête, vexé, peiné. Son caractère d’écorché vif le rendait sensible aux défaites.
– Tu as été formidable, lui dis-je en lui tapant sur l’épaule avant de lui tendre une serviette avec laquelle il essuya la transpiration qui dégoulinait sur sa figure et avait trempé sa tenue.
– J’ai perdu, soupira Ronnie. Luc va encore se marrer. Pourtant, je suis blond, comme Anquetil. Lui, il est brun, comme Poulidor. Mais c’est toujours moi le second. Pas juste…
– Il fallut quelques minutes avant que Luc savoure sa victoire. A cet instant précis, il était allongé sur le bas-côté, en train de récupérer. Il me sembla qu’il dégustait lentement des pâtes de fruit et des biscuits.
Le goût du risque
– C’était bien dans le caractère de Ronnie d’accepter n’importe quel pari, commente Fabien qui a bien connu Ronnie.
– Tout à fait, complète son père. Une fois redescendus, au moment de remettre les vélos sur les galeries, Luc a lancé un nouveau défi à Ronnie qui lui reprochait une manœuvre déloyale au moment où ils roulaient côte à côte. Je te laisse une chance à la lutte, a-t-il proposé. Si tu gagnes, on considère que c’est moi qui ai perdu et c’est moi qui paye la bouffe tout à l’heure. J’ai conseillé à Ronnie de ne pas tomber dans le piège. Il était costaud, mais Luc était un peu plus fort que lui et ils le savaient tous les deux. Ronnie ne m’a pas écouté. Je n’ai pas insisté. Après tout, ils se mesuraient dans un sport qui leur plaisait, comme les lutteurs bretons qui s’affrontent dans le respect avant de partager le mouton dans la tradition d’amitié à la fin du tournoi. Ce ne serait pas un round de boxe ni un combat de rue. Personne ne se ferait trop mal. Ils s’aimaient bien tous les deux et ils venaient de faire équipe aux 100 tours de Magny-Cours sur la Rallye 2. Et puis les sports de combat font souvent partie de la préparation des pilotes. Jean-Caude Andruet s’est illustré en judo avant le rallye. Aujourd’hui encore, Nico Rosberg inscrit à son programme des enchainements de boxe au fond d’une piscine. Max Verstappen s’échauffe de la même manière qu’un boxeur avant de monter dans sa Red Bull les jours de Grands-Prix. Il cogne dans les gants d’un sparring-parter. La course automobile est un sport de combat et cette caractéristique enchantait Ronnie qui racontait qu’un Championnat se gagne aux points ou par KO, tant sur un ring que le sur bitume.
« Luc ne se méfiait pas assez de Ronnie. Il tournait et sautillait dans le but de montrer ses muscles, sa confiance, sa souplesse. Il jouait avec son adversaire, dans un esprit comparable à celui d’Ali. Ronnie admirait bien plus Frazier. Il ne faisait pas de cinéma. Il allait au combat et se montrait toujours dangereux, qu’il avance ou recule. Il a réussi à saisir les jambes de Luc qui pensait qu’il adopterait une stratégie défensive et n’oserait pas l’attaquer. Il l’a plaqué et l’a immobilisé avec autorité. J’ai d’abord pensé que Luc avait laissé Ronnie gagner la première manche, histoire de le mettre en confiance et de prendre sa revanche en l’écrasant dans les deux suivantes. Il était très sûr de lui. Mais à la réflexion, je ne crois pas. Luc aimait trop la victoire pour faire un cadeau. L’explosivité de Ronnie l’a surpris.
« Comme la boxe, la lutte est un sport qui ne ment jamais. Luc a géré la seconde manche plus intelligemment que sa première. Il s’est ingénié à bloquer les bras de Ronnie, à le ceinturer, à l’étrangler, à l’empêcher de respirer, à l’épuiser. Au bout de trois minutes, Ronnie s’est retrouvé immobilisé par terre, le bras tordu dans le dos, sans avoir trop compris comment la prise finale était arrivée.

Ronnie-vs-Luc – match-de-lutte
« A la troisième manche, le combat fut de courte durée. Ronnie s’est trouvé sur le dos, incapable de se dégager, le souffle coupé car l’épaule de Luc lui martyrisait sauvagement le les côtes. Rincé physiquement après la course à vélo et les deux premières manches, il reconnut sa défaite.

Simca-1200-S (2)- Photo-Thierry-Le-Bras
– Ça, c’est pour avoir traité ma bagnole de caisse à savon en te vantant que toi, tu pilotais une œuvre d’art roulante, se moqua Luc en lui donnant une grand claque qui rougit la peau de son dos dès qu’ils furent relevés. Peut-être que comme tu dis, ma Simca 1000 Pigeot ressemble à une voiture de Mimile qui va chercher sa baguette avec le béret de travers et Bobonne à côté, mais c’est quand même une machine qui va plus vite que ta 1200 S, fût-elle dessinée par Giugiaro, comme l’Alfa d’Éric et des tas de bagnoles prestigieuses. Et puis ta 1200 S, elle sera bientôt dans un musée, enfin, si tu ne la casses pas trop souvent. Ma caisse à moi n’est peut-être pas dessinée par un grand designer, mais elle claque des temps.
« Ronnie aurait bien rétorqué qu’il piloterait avec plaisir une voiture plus récente s’il en avait les moyens. Que lui devait se débrouiller pour payer ce que coûtait la course et trouver des sponsors alors que Luc était intégralement financé par son père, PDG d’une société de matériel médical. Mais comme il pressentait que Luc n’attendait qu’une occasion de le remettre parterre, lui tordre un bras, lui donner une nouvelle claque dans le dos, un coup de poing sur l’épaule ou les côtes, il laissa filer, prudent. Il aurait volontiers donné une leçon à Luc comme au milieu de la course de côte et au début du match de lutte, mais son corps ne suivrait pas. Il n’aurait pas la force de faire face honorablement. En outre, il avait juste bu de l’eau après l’effort à vélo. Luc avait absorbé des aliments énergisants qui lui évitaient le coup de pompe.
« Luc surveillait Ronnie avec l’œil narquois, tout prêt à afficher encore sa supériorité en lui jouant un mauvais tour. Une manche de catch improvisé s’annonçait probable, quoi que fasse Ronnie et quoi que nous disions. Une petite vieille qui passait à vélo sauva mon pote d’un dernier assaut. La mamie était furieuse. Elle a traité Luc et Ronnie de voyous, de blousons noirs, de gangsters (elle prononçait gangesters), alors qu’ils ne faisaient que chahuter dans un esprit sportif. Ça leur faisait de l’exercice. C’était bon pour leur santé et si Ronnie, vaincu, souffrait de quelques bleus à l’âme, il n’avait jamais risqué d’être blessé. J’ai essayé d’expliquer à la bonne femme qu’ils ne se battaient pas pour de vrai, que son petit coin de paradis n’était pas envahi par une horde de barbares assoiffés de sang prêts à sortir les armes blanches. Mes camarades s’amusaient, c’était du sport, de la lutte. Tout le monde allait dîner ensemble dans la tradition des tournois officiels. Elle n’a rien voulu entendre. Au contraire, elle a usé d’un vocabulaire fort étendu dans le domaine des gros mots.
– Le mari de la vieille n’a pas débarqué avec la fourche et le fusil ? s’enquiert Fabien.

Bonemine-en-colère
– Pas de danger, répond son père. Le mari, il avait cassé sa pipe à mon avis. Elle l’avait usé et enterré depuis longtemps. La mort était une délivrance pour les hommes capturés par cette espèce de dragons. Et comme à cette époque, ils plongeaient dans l’alcool et le tabac dans l’espoir d’oublier leurs bourreaux en jupons, leurs organes les trahissaient assez tôt et c’était finalement une bénédiction pour eux. Ces années-là, quelques dessinateurs humoristiques croquaient les mégères. Bichette, la femme de Lariflette, ainsi que l’épouse d’Hagar le viking, faisaient un tabac dans Ouest-France. Et n’oublions pas les mémés de Jacques Faizant, ni Bonnemine, la femme du pauvre Abracracourcix, chef du fameux petit village gaulois qui résista vaillamment à l’envahisseur. En tout état de cause, la fureur de la vieille autochtone ne nous a pas troublés. Au contraire, nous étions morts de rire.
Vintage et nostalgie
– Dans la voiture sur la route du retour, Ronnie s’est montré moins abattu que Mikaël et moi le redoutions, reprend Éric. Il a approuvé quand nous lui avons expliqué qu’il s’était bien battu contre un gars qui passait sa vie à cultiver son physique. A la réflexion, il était content d’avoir longtemps résisté pendant la course cycliste puis d’avoir sauvé l’honneur à la lutte en arrachant bravement une manche. Au fond, la vie n’était pas si mal faite. Il était en vacances et partageait avec nous le mobil-home installé à Ploemeur que m’avait légué mon grand-père. Mikaël avait inséré dans le lecteur de l’autoradio une cassette avec des tubes que nous aimions tous, Rockcollection, Le France, Waterloo, Il venait d’avoir 18 ans, Qu’est-ce qui fait pleurer les blondes, Requiem pour un fou, Daddy cool… Le lendemain, nous allions à l’île de Groix avec un pote qui possédait un Zodiac puissamment motorisé. Vitesses sur l’eau au programme ! Or, comme Didier Pironi et José Dolhem, nous adorions tout ce qui allait vite avec un moteur, fût-ce sur l’eau.
– Je ne sais pas si un jour, je battrai régulièrement Luc dans les sports purement physiques, nous confia Ronnie sur la route. Il faut reconnaître qu’il a des muscles et qu’il les entraîne. Mais je crois franchement que je suis aussi bon pilote que lui. Je veux tellement m’améliorer que je deviendrai forcément plus rapide.
« Je te crois, avais-je répondu. Et j’étais sincère. A dix ans, Ronnie rêvait de devenir champion olympique de lutte. A 17 ans, il se voyait gagner des Grands-Prix moto et roulait en côte malgré le danger. Maintenant, il ne changerait plus de sport. Il mettrait tout son courage au service de la réussite en compétition automobile. Il n’était peut-être pas le meilleur, mais il avait un cœur énorme et une énergie féroce.
« Nous avons dîné dans la bonne humeur, aux frais de Ronnie que la note du repas ne traumatisa pas. A l’époque, tu faisais un très bon dîner dans une pizzéria pour 50 Francs par tête, apéro et vins compris, soit moins de 8 euros.

Ronnie – Chevrolet-Camaro – 1978 – Photo-Thierry-Le-Bras
– N’empêche que si nous reconnaissions les courses de côtes et les rallyes comme vous le faisiez à l’époque, on aurait des ennuis avec les riverains et les flics, plaisante Fabien.
– Tu veux dire qu’on finirait en taule, ajoute Jérémy.
– Sans doute, convient Éric. C’était une autre vie, une autre approche de l’automobile. Malgré nos folies, les riverains nous accueillaient bien, à part quelques exceptions comme la vieille mégère. Certainement parce que les épreuves amenaient du monde sur les sites, faisaient fonctionner le commerce et créaient une atmosphère de fête. J’avais à peu près 22 ans à l’époque. Ronnie un an de plus, et Luc un an de moins. Nous étions un peu fous, insouciants, totalement inconscients du danger. Ronnie encore plus que les autres. Luc et lui restaient un peu gamins, bien qu’intellectuellement et culturellement, ils étaient d’un bon niveau et qu’avec les filles, ils savaient y faire. Je ne conseillerais pas aux jeunes pilotes d’imiter nos comportements sur route ouverte, naturellement. Mais il faut reconnaître que nous avons vécu des moments complètement dingues et inoubliables, une belle jeunesse dans un temps où même « les un peu plus de vingt ans » pour parodier Aznavour ne se faisaient pas trop de soucis et ne doutaient de rien.
– La fin des trente glorieuses ? intervient Jérémy.
– Oui, à peu près. Tout nous paraissait possible et beaucoup de choses l’étaient. Bien que ses parents ne l’aient jamais aidé et qu’il ait commencé sa vie active comme ouvrier-carrossier – attention, un métier hautement honorable, mais pas réputé comme procurant les jackpots des traders –, Ronnie a couru rapidement avec des voitures très sympas, Chevrolet Camaro, Matra Murena groupe 5, ex-voitures de Supertourisme adaptées à la côte… Des tas de souvenirs. Nous n’avons pas fini de parler de lui. Sa course avec David sur Mustang en endurance VHC fait partie des grands moments de la famille dans notre sport favori (2).
(1) Mikaël Mermant, très souvent navigateur d’Éric en rallye
(2) Cette course où David fit équipe avec Ronnie sur une Ford Mustang fait partie de mes projets de livres en 2017 !
QUELQUES LIEN
DESIGNMOTEUR présenté la Berinette Alpine, une des voitures les plus emblématiques de cette période http://www.designmoteur.com/2016/02/alpine-a110-heritage/
Flash-back sur la première sortie de piste de Ronnie. Mésaaventure d’un pilote né pour devenir héros de BD ! http://bit.ly/1TPtP0s
Le jour de gloire de Ronnie http://0z.fr/DwoeM
Propos recueillis par Thierry Le Bras
(Vous êtes surpris qu’un personnage de fiction s’exprime ? Vous avez tort, les personnages de fiction vivent dans un univers parallèle où ils entraînent leur créateur et les lecteurs de leurs aventures. Pourquoi ne s’exprimeraient-ils pas ? C’est la magie de la fiction, chers lecteurs. En tant qu’auteur, je ne suis que le biographe de mes personnages et je leur suis reconnaissant de m’accepter dans leur monde et d’obtenir d’eux l’autorisation de rapporter les temps forts de leurs existences)