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Voyage dans le temps automobile… 5/5

Sans Delorean, avec des BMW après les Jaguar, Porsche, Shelby Cobra et Ford GT40, Alfa Romeo…

J’ai assisté aux deux premières éditions du Mans Classic (2002 et 2004). J’ai éprouvé le sentiment merveilleux de retrouver les 24 Heures du Mans qui me faisaient rêver lorsque j’étais enfant puis adolescent. Parfois en suivant les reportages radiophoniques  de Tommy Franklin, les séquences télévisées, en lisant les articles de L’Automobile Magazine ou les pages sport de la PQR. Ou encore en lisant des ouvrages consacrés à l’histoire des pilotes, des marques, des circuits…

Pironi-Quester-Mignot - BMW-M1 - 1980 - Photo-Thierry-Le-Bras

Pironi-Quester-Mignot – BMW-M1 – 1980 – Photo-Thierry-Le-Bras

Quelle joie de voir ces bolides d’hier et d’avant-hier en action. Des voitures que ne ménagent pas leurs pilotes, car la course, c’est la course, fût-ce avec une vieille dame honorable qui avoue l’âge de ses durites. Puis vint une nostalgie qui m’a fait écarter plus ou moins consciemment Le Mans Classic de mon calendrier. Je réalise cette année que cet événement est lié à un fantasme personnel. Depuis la première édition, je rêve de reprendre le volant à l’occasion du Mans Classic et d’y faire équipe avec un pilote de notoriété. Autrement dit de réaliser tardivement un rêve d’enfance. A l’école primaire, je voulais devenir l’égal de Jim Clark, Bruce McLaren, Pedro Rodriguez. Plus tard, je me suis contenté de quelques saisons de compétition en tant qu’amateur avec des voitures fermées, essentiellement en course de côte. Le Mans Classic accueille les gentlemen drivers. Y piloter une BMW (par exemple une 2002 groupe 2), une Porsche (914/6 ou Carrera), une Ford Mustang, ce serait génial. Je n’ose pas parler de M1, la BMW avec laquelle Didier Pironi s’aligna dans la Sarthe une année où j’y étais… Ni de Porsche 934, Alfa GTZ, Shelby Cobra… Mais voilà, même avec une auto parmi les moins chères admissibles, le budget reste considérable et les chances d’admission au départ hypothétiques.

BMW-30-CSL - 2004 - Mans-Classic - Photo-Thierry-Le-Bras

BMW-30-CSL – 2004 – Mans-Classic – Photo-Thierry-Le-Bras

Cette année, je ne me suis pas organisé pour me rendre au Mans Classic. Vraisemblablement en grande partie à cause de cette frustration de ne pas pouvoir y rouler. Je viens de constater que j’étais cité dans la bibliographie de l’ouvrage LE MANS POUR LES NULS paru aux Éditions First. J’ai écrit deux romans qui se déroulent sur fond de courses mancelles. L’un intègre d’ailleurs un duel au Mans Classic entre un de mes héros de fiction récurrents, David Sarel, et un vrai pilote Manceau qui a participé plusieurs fois à l’épreuve, Bastien Brière. J’ai aussi plusieurs nouvelles dont l’action se déroule pendant la course. Voilà qui donne envie d’organiser quelque chose au Mans Classic 2018 (avec séances de dédicaces).

Mais en attendant ce projet « de dans deux ans », flash-back sur une de mes marques favorites, BMW !

BMW contre Ford

L’histoire de BMW en compétition prend de l’épaisseur avec de grosses performances dans les catégories opposant des voitures de tourisme. En 1965 et 1966, la 2000 Ti s’y montre redoutable. Ensuite, Alpina et Schnitzer s’attachent à développer le 2002 pendant que l’usine consacre de gros efforts à la Formule 2.

En 1968, BMW présente un très joli coupé 2800 CS inspiré du design du modèle 2000. Ce sera une arme redoutable en compétition. BMW remportera le titre « constructeurs » devant Alfa Romeo au terme du Championnat d’Europe des voitures de tourisme1970. Le fait d’engager des véhicules dans différentes catégories de cylindrées l’y aidera. En 1971 par contre, BMW s’incline face aux Ford dérivées de la Capri 2600 RS. A l’époque, Ford s’efforce d’offrir une image sportive à son coupé dont les versions de base – certes réussies au plan esthétique – se révèlent bien incapables de suivre sur route une Alfa Romeo Giulia 1300, une R12 Gordini, une Simca 1200 S, une Opel Ascona SR ou une BMW 1600.

BMW-30-CSL-Luigi-gr-2 (1) - 2004 - Mans-Classic - Photo-Thierry-Le-Bras

BMW-30-CSL-Luigi-gr-2 (1) – 2004 – Mans-Classic – Photo-Thierry-Le-Bras

Soulignons que les courses de voitures de tourisme offraient un beau spectacle. Les belligérants recrutaient des pilotes de tout premier plan. Les autos prenaient des appuis et glissaient, ce qui les rendait agréables à suivre. BMW confia son bolide à des pilotes de tout premier plan pour contrer les Capri. La liste des pilotes qui se battirent ave de gros coupés BMW groupe 2 comprend notamment Ronnie Peterson, James Hunt, Christian Ethuin, Derek Bell, Jacky Ickx, Henri Pescarolo, Jean-Pierre Jaussaud, Jean-Pierre Beltoise, Dieter Quester, Hezemans et Lauda ;

En 1971, Ford prend sa revanche. Les BMW s’inclinent. Elles souffrent d’un poids trop important et ce handicap dû à la fiche d’homologation de la voiture en entraîne d’autres, notamment une détérioration significative des pneumatiques. 1972 semble s’annoncer sous de meilleurs auspices. D’abord, la réglementation limite la  cylindrée maximale dans la discipline à 5 litres, ce qui va débarrasser BMW et Ford du monstre Mercedes AMG 6,8 litres ainsi que des Chevrolet Camaro. D’autre part, Jochen Neerpach quitte ses fonctions chez Ford où il s’occupait du programme des Capri groupe 2. Il passe à l’ennemi, au clan BMW. Et il amène dans ses valises son ingénieur, Martin Braungart. BMW affichera un léger avantage de puissance, 330 cv contre 305. Par contre, Ford aura toujours l’avantage du poids. Le constructeur a fabriqué 1000 exemplaires de Capri équipées de parties ouvrantes en plastique que le règlement n’autorise que si elles équipent le modèle de série dont est issue la groupe 2. 1972 sera une année Ford.

30 CSL, la Batmobile bavaroise prend l’avantage

Jochen Neerpach aborde 1973 avec prudence. « Je ne pense pas que nous soyons en mesure de gagner le championnat d’Europe, lance-t-il en début de saison. Je crois cependant que nous pouvons raisonnablement espérer être dans de meilleures dispositions pour gagner vers le milieu de la saison. »

BMW-30-CSL-Luigi-gr-2 (2) - 2004 - Mans-Classic - Photo-Thierry-Le-Bras

BMW-30-CSL-Luigi-gr-2 (2) – 2004 – Mans-Classic – Photo-Thierry-Le-Bras

BMW et Ford vont bénéficier de plusieurs mesures réglementaires favorables. Les grosses Mercedes et Camaro restent exclues. L’autorité sportive a supprimé une catégorie de cylindrée, les moins de 1600 cm3, celle où les Alfa Romeo GTAM étaient très difficiles à battre. Elles affronteront les BMW 2002 et Ford Escort, des voitures de 2 litres. Cette fois, BMW a su jouer avec le règlement. En homologuant une version 3006 cm3 de son coupé 3 litres de série, la firme allemande peut augmenter sa cylindrée jusqu’à la limite de la classe, soit 3,5 litres. Les BMW 30 CSL développeront ainsi 360 chevaux en début de saison 1973 puis 375 à partir de l’été. BMW  a enfin produit en série une version « leicht » (légère) ne pesant que 1080 kilos grâce à l’utilisation d’éléments ouvrants en aluminium.

BMW-30-CSL-Luigi-gr-2 (3) - 2004 - Mans-Classic - Photo-Thierry-Le-Bras

BMW-30-CSL-Luigi-gr-2 (3) – 2004 – Mans-Classic – Photo-Thierry-Le-Bras

Puis la marque bavaroise homologue au 1er juillet le kit aérodynamique qui vaut à son monstre le surnom de batmobile. Il comprend des dérives latérales sur le capot, un déflecteur à l’arrière du toit et un aileron arrière spectaculaire monté sur deux dérives. Il ne s’agit pas d’un gadget. Les pilotes évaluent les effets positifs de l’aéro sur la stabilité à 10 secondes sur un tour du Nürburgring ! Le gros coupé BM corrige ainsi son défaut de survirage. Il devient plus facile à piloter et use moins ses pneumatiques.  BMW remporte le championnat 1973 ! Hélas, cette année marque la fin de l’âge d’or automobile. La première crise du pétrole nuira énormément  au championnat d’Europe des voitures de tourisme et limitera l’attractivité de ses animatrices. La diésélisation du parc automobile se profile. La parole autophobe se libère. Chirac – pas encore 1er ministre – ne tardera pas à vilipender la conduite sportive. Avec Georges Pompidou, la France perdra en avril 1974 le dernier homme politique d’envergure qui aimait l’automobile…

La 30 CSL dans la Sarthe

Dès 1972, une 2800 CS préparée part Schnitzer s’aligne au départ. Elle abandonnera. Mais en 1973, BMW Motorsport réussit un gros coup et remporte le groupe 2 avec la 30 CSL confiée à Dieter Quester et  Toine Hezemans. La machine tourne dans des temps proches de ceux des Ferrari 365 Daytona GTB4 engagées en groupe 4. BMW a pris l’épreuve sarthoise au sérieux. Les deux voitures officielles sont confiées à des pointures. Si l’autre 30 CSL officielle n’ira pas au bout, notons qu’elle est confiée à Chris Amon et Joachim Hans Stuck. Autrement dit un ancien vainqueur au Mans, Chris Amon – 1er en 1966 avec Bruce McLaren sur Ford MKII – qui pilota aussi en F1 dans teams visant la victoire dont Ferrari et Matra, associé au vainqueur du Championnat européen des « groupe 2 » de l’année précédente, Stuck, enlevé à l’adversaire, Ford.  1974 permet à la 30 CSL de remporter une nouvelle victoire en groupe 2 grâce à la machine de Jean-Claude Aubriet et « Depnic ». Puis l’année suivante, la 30 CSL revient au Mans en star grâce à Hervé Poulain, le commissaire-priseur le plus rapide du monde. Le pilote (par ailleurs sociétaire de l’Écurie Bretagne) a convaincu BMW de se lancer dans le programme Art-car. Une 30 CSL décorée par un artiste renommé du pop art, Calder, court dans la Sarthe. La splendeur du coupé BMW se prête à la mise en valeur de la création Calder. L’œuvre d’art roulante sera pilotée par Hervé Poulain, Sam Posey et Jean Guichet. Le commissaire-priseur – pilote pointera un moment 5ème au classement général. Une prestation superbe avec une groupe 2 ! La 30 CSL renoncera avant la fin, mais BMW emporte tout de même le groupe 2 avec la petite sœur, la BMW 2002.

BMW-30-CSL-Garage-du-Bac - 2004 - Mans-Classic - Photo-Thierry-Le-Bras

BMW-30-CSL-Garage-du-Bac – 2004 – Mans-Classic – Photo-Thierry-Le-Bras

Un équipage privé écrit une ligne supplémentaire du palmarès de la 30 CSL l’année suivante. Les frères Jacky et Jean-Louis Ravenel associés au Belge Jean-Marie Detrin sont les seuls engagés dans le groupe. Qu’importe, ils remportent la catégorie au terme d’une édition rendue pénible par la canicule. Des 35 CSL apparaissent en groupe 5 avec l’ambition de battre les Porsche 935.

La carrière des voitures de course dure rarement longtemps au plus haut niveau. Comme les athlètes humains, les bolides vieillissent et se font dépasser par des rivaux plus jeunes, plus musclés, mieux préparés… Campé sur ses appuis, tel un boxeur, le coupé BMW CSL fait de la résistance. Ainsi un modèle engagé par Luigi Racing remporte-t-il la catégorie IMSA en 1977. La même année, Jean-Claude Giroix, le patron du Garage du Bac, engage une autre 30 CSL, également en IMSA, pour Depnic et Coulon. Elle abandonnera mais le Garage du Bac deviendra un acteur important du sport automobile. Fabien, le fils de Jean-Claude, remportera de nombreuses courses dans diverses catégories. Il disputera plusieurs fois Le Mans et fit partie des espoirs français susceptibles d’accéder à la F1. J’ai eu le plaisir de le voir s’imposer dans la Sarthe, en Supertourisme, avec une BMW M3. J’y reviendrai. En 1977, la 30 CSL arrive à la fin de sa carrière sportive au Mans. Mais elle continuera à courir dans d’autres épreuves. Elle aura gagné six fois le championnat d’Europe des voitures de tourisme entre 1973 et 1979.

BMW-30-CSL-Luigi-groupe-2 (4) - 2004 - Mans-Classic - Photo-Thierry-Le-Bras

BMW-30-CSL-Luigi-groupe-2 (4) – 2004 – Mans-Classic – Photo-Thierry-Le-Bras

De belles pages de sport automobile que les éditions du Mans Classic nous permettent de nous remettre en mémoire.

Ronnie Peterson et la BMW 30 CSL

Né le 14 février 1944, disparu le 11 septembre 1978 à la suite d’un terrible accident au départ du Grand-Prix de Monza, le Suédois Ronnie Peterson fut un pilote particulièrement impressionnant et attachant. « Superswede » comme le surnommaient affectueusement ses supporters se révéla un surdoué qui faisait partie du club des vainqueurs de Grands-Prix et des candidats crédibles au titre de Champion du monde de Formule 1.

Ronnie-Peterson - 1974 - Vainqueur-GP-Monaco

Ronnie-Peterson – 1974 – Vainqueur-GP-Monaco

Lui consacrer un paragraphe dans cette chronique pourrait paraître un peu hors sujet car le champion suédois n’a pas roulé aux 24 Heures du Mans sur BMW. Par contre, il a piloté des 30 CSL lors d’autres compétitions. D’où ces quelques lignes en hommage à un pilote qui fait partie des plus grands attaquants de l’histoire de la course automobile. Un homme sincère, loyal, qui, comme Stirling Moss ou Didier Pironi a marqué l’histoire de la Formule 1 bien que n’ayant pas remporté le titre suprême.

Ronnie a commencé à disputer des courses de voitures de tourisme et d’endurance pour BMW en 1974. A cette époque, de nombreux pilotes couraient encore dans plusieurs disciplines. A son arrivée chez BMW, il est déjà une valeur sûre. « Écris que Ronnie est fantastique, mais ne lui dis pas », avait déclaré Max Moseley à un journaliste dès 1970. Quand il s’installe pour la première fois dans le baquet d’une BMW 30 CSL », Superswede » a été vice-champion du monde de Formule 1 et il a remporté quatre Grands-Prix. Il pilote pour Lotus dans la discipline reine et s’apprête à signer une belle saison qui ajoutera trois victoires dont Monaco à son palmarès.

Ronnie-Peterson - BMW-30-CSL - 1974 - Nürburgring

Ronnie-Peterson – BMW-30-CSL – 1974 – Nürburgring

Ronnie pilotera onze fois des BMW 30 CSL en course entre 1974 et 1976. En 1976 justement, il fera débuter la fabuleuse version bi-turbo de 3,2 litres dont la puissance a volontairement été bridée à 750 ch (au lieu de 800, potentiel réel de la voiture). En 1977 et 1978, il continuera à piloter pour BMW, mais des 320 groupe 5 que la marque allemande entend alors mettre en avant.

Mes plus fidèles lecteurs, ceux qui dévorent aussi mes romans et nouvelles, se rappelleront qu’un des seconds rôles des aventures de David Sarel se prénomme Ronnie. Un hasard ? Non, le personnage en question s’appelle Ronan Le Mat (Le Mat, qui veut dire le bon en breton). Et Ronan, gentleman driver au gros cœur, admire la générosité du pilote de « Superswede » et son sens de l’attaque. La raison qui conduit ses copains à le surnommer Ronnie ! Un hommage personnel à un pilote disparu qui figure parmi les très grands de la F1.

QUELQUES LIENS

DESIGNMOTEUR présente le concept 30 CSL hommage dévoilé à la Villa d’Este http://www.designmoteur.com/2015/05/bmw-3-0-csl-hommage/

DESIGNMOTEUR présente une autre association entre l’art, la course automobile et la fiction, la Honda Art Car Michel Vaillant http://www.designmoteur.com/2016/07/honda-art-car-jean-graton-artstrip-michel-vaillant/

Le Mans 1976 : quelques BMW batmobiles sur la piste http://bit.ly/1WTS6aQ

Ronnie, le fan de « Superswede » dans ses œuvres ! http://0z.fr/DwoeM

 Un roman (sur papier) dans l’univers de la course auto http://bit.ly/29fHooI

 Thierry Le Bras

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