Sans Delorean, avec des Shelby Cobra et des Ford GT40 après les Jaguar, puis Porsche, en attendant les BMW, Alfa Romeo…
Ford au Mans dans les années 60, ce fut bien sûr la formidable histoire des GT40. Mais avant, Carroll Shelby fit gagner des GT motorisées par le géant américain. J’allais sur mes 10 ans en 1964 quand la Cobra remporta la catégorie Grand Tourisme aux 24 Heures du Mans aux mains de Bob Bondurant et Dan Gurney. Les photos de cette voiture avaient créé un choc. Pour moi, elle était et demeure une des plus belles machines de course jamais produites. Un monstre créé pour offrir des émotions, un plaisir intense.

Cobra-Shelby – 2002 – Mans-Classic – Photo-Thierry-Le-Bras
Je vais vous avouer un détail qui risque de décevoir mes amis Ferraristes. J’espère qu’ils me pardonneront. Je n’aime voir Ferrari gagner que quand une voiture de cette marque est pilotée par un de mes pilotes préférés. En règle générale, je suis plutôt supporter des adversaires des rouges. J’ai préféré Ford à Ferrari, Porsche à Ferrari, Matra à Ferrari… Pourquoi ? Les bolides de Modène sont superbes, mais la manière dont le Commendatore traitait ses pilotes m’a toujours révolté. Une atmosphère particulière bien traduite dans le film de Frankenheimer. J’ai exulté en 1966 quand les Ford ont terrassé le cheval cabré. En outre, mon père roulait en Taunus 12 M à l’époque. Une voiture bien moins performante que la MKII des 24 Heures, mais quand même une Ford !
La Cobra, une voiture de rêve au propre comme au figuré
Le compte Facebook Shelby American a confirmé que Carroll Sheby inventa littéralement la Cobra dans ses rêves. Il avait fréquemment des idées au milieu de la nuit et redoutait de les oublier au réveil. En conséquence, il gardait un crayon et du papier auprès de son lit. A défaut d’avoir remporté les 24 Heures du Mans comme il le fit en 1959, associé à Roy Salvadori sur une Aston Martin, c’est au moins un point que je partage avec lui. Un matin, il se réveilla et découvrit qu’il avait écrit le mot Cobra, un sigle qui allait désigner des monstres mécaniques… de rêve !

Bondurant-Murray – Cobra-Daytona – 1 – 2004 – Mans-Classic – Photo-Thierry-Le-Bras
L’idée, monter un gros Ford V 8 au couple extraordinaire sur le châssis Ace (A.C.) qu’il considérait excellent. Contacté en 1961, le patron du « Stock Car Racing Program de Ford », Dave Evans, approuva très vite le projet. « Nous vous envoyons deux moteurs de type 221, répondit-il à Carroll. Vous verrez, son bloc est en fonte spéciale et peut supporter tous les gonflages. Une fois monté dans votre châssis, essayez la voiture et tenez-moi au courant. » Le résultat, un bolide au tempérament de feu, parfois difficile à dompter, mais d’une efficacité redoutable. Les premières Cobra accéléraient de 0 à 100 en 4,5 secondes ! Elles recevaient finalement un V8 Ford plus puissant que celui prévu à l’origine (260 cv pour 4.261 cm3). Certains s’étonneront de la facilité avec laquelle un grand constructeur tel que Ford accepta si facilement de motoriser le produit d’une petite entreprise. Mais n’oublions pas que Shelby était un acteur renommé du monde de la course. De plus, il paraît logique que Ford ait été ravi de vérifier en course les capacités d’un moteur issu de ses V8 de série.
Une GT qui colle le conducteur et le passager au siège à l’accélération, c’est bien. C’était déjà le cas des AC équipées de plusieurs versions successives de V8 Ford.

Bondurant-Murray – Cobra-Daytona – 2 – 2004 – Mans-Classic – Photo-Thierry-Le-Bras
Mais le but suprême d’une voiture de sport, c’est la course. « La course, c’est la vie! Avant et après, il n’y a que l’attente », déclare Steve McQueen dans le film Le Mans. La formule vaut pour une GT comme pour un pilote. Carroll Shelby veut battre Ferrari dans la catégorie GT. Ses roadsters AC Cobra possèdent l’accélération et la puissance. Dès 1963, la Cobra montre son potentiel sur les circuits américains. Un pilote la met particulièrement en évidence, Bob Bondurant. Prochain objectif des Cobra, les épreuves européennes avec un temps fort, Le Mans. Il manque cependant la vitesse de pointe sur les Hunaudières. Leur aérodynamisme leur cause un handicap de près de 30 kilomètres/heure au bout de la ligne droite. D’ailleurs une Cobra avec hardtop s’est classée 7ème de l’édition 1963, loin de la Ferrari GTO victorieuse dans la catégorie. Les roadsters AC Cobra perdraient plus dans les Hunaudières qu’elles gagnent sur d’autres tronçons en accélération.

Bondurant-Murray – Cobra-Daytona – 3 – 2004 – Mans-Classic – Photo-Thierry-Le-Bras
La solution viendra de l’élaboration d’une autre carrosserie. Une coque en aluminium au design de coupé prend place sur le châssis AC. Plus rigide, plus aérodynamique, elle se révèle tout de suite plus performante et dépasse les 300 km/h. Au Mans 1964, Bob Bondurant et Dan Gurney s’imposent en GT devant les Ferrari. En 1965, la Cobra remporte le championnat du monde des constructeurs. Au Mans Classic 2004, Bob Bondurant (associé cette fois à Murray) retrouvait son AC Cobra de 1964. Et cette fois, j’y étais et j’ai pu photographier le bolide !
Les GT40 et GT40 MKII mobilisent toute l’énergie de Ford
Le programme Cobra Daytona ne dura que deux ans, Ford et Carroll Shelby ayant décidé de joindre toutes leurs forces dans le programme GT40 et GT40 MKII en 1966.

Bondurant-Murray – Cobra-Daytona – 4 – 2004 – Mans-Classic – Photo-Thierry-Le-Bras
J’ai imaginé que le constructeur américain choisissait une solution différente et confiait l’exploitation de ses Cobra à des teams privés dont un français en 1966. La Cobra était un véritable monstre qui serait resté compétitif au moins une saison de plus. . Ce gros coupé lift-back au capot moteur interminable et à la glace arrière immense respirait la puissance et la performance à l’état pur. Une bête de course prête à mordre ses adversaires comme le suggérait son nom. Cobra, un serpent vif comme l’éclair au venin mortel. Quoique volumineuse et lourde – 1.150 kilos -, la Cobra jouissait d’une aérodynamique très poussée, fruit du travail du célèbre designer Pete Bock. Son moteur V8 d’une cylindrée de 4.700 centimètres cubes développant 385 chevaux rugissait comme un fauve décidé à affirmer sa supériorité sur la jungle mécanique qui l’entourait. Une machine infernale prête à s’affirmer encore davantage dans la légende de la course automobile. Je lui ai accordé une saison de couse supplémentaire dans l’univers parallèle du roman VENGEANCE GLACÉE AU COULIS DE SIXTIES. Un polar dont le dénouement intervient sur la piste mancelle pendant les 24 Heures du Mans 1966. Une course difficile et acharnée, d’autant que les pilotes de la Cobra française se trouvent confrontés à des ennemis moins honorables que les autres équipages de GT… La version eBook est déjà disponible. Une version papier enrichie finalisée avec DESIGNMOTEUR.COM est en préparation.
Ford vient de fêter le 50ème anniversaire de sa première victoire au Mans. Ewen Le Juge raconte la trajectoire de la marque de sa naissance à ce triomphe dans une chronique superbement illustrée http://www.designmoteur.com/2016/06/ford-gt40-victoire-24-heures-du-mans-1966/

Ford-GT40 – 2004 – Stands-Mans-Classic – Photo-Thierry-Le-Bras
Je ne peux qu’ajouter quelques observations formulées par Jean-Philippe, journaliste au magazine Chronomètre en 1966 :
« Ford engage 13 GT 40 dont 8 MK II 7 litres. En face, Ferrari dispose de 14 voitures, mais seulement de 3 P 3, son dernier proto, et de 4 P 2, un modèle un peu dépassé. Ce n’est pas avec les Dino 2 litres que Ferrari ira chercher les Ford.
– Je trouve les MK II superbes, a déclaré le narrateur. Le coup de crayon du concepteur est simple, sobre. La voiture respire l’efficacité.
– Tu as raison, confirma Jean-Philippe. La Ford est très belle. La Ferrari P 3 aussi, bien sûr, mais ses lignes paraissent plus torturées. Si Ford gagne, ce que j’espère, la victoire américaine consacrera le triomphe de la série sur le grand luxe inabordable. Le moteur des MKII sera monté sur des Mustang et des Cougar l’année prochaine, c’est à dire sur des voitures que des tas de gens achèteront. Alors que les V 12 Ferrari seront toujours réservés à une poignée de milliardaires généralement plus collectionneurs d’objets de prestige que conducteurs passionnés. »

Ford-GT40 – 2004 – Paddocks-Mans-Classic – Photo-Thierry-Le-Bras
Au début de la semaine mancelle, le duel s’annonçait terrible. « Certains de mes confrères parlent de course du siècle tant la course sera acharnée entre Ford et Ferrari », racontait Jean-Philippe qui gardait cette accroche en réserve pour plus tard…

Ford-GT40-US – 2002 – Mans-Classic – Photo-Thierry-Le-Bras
Au terme des essais officiels, Ford affichait sa supériorité sur le ring.
« Dan Gurney a tourné à plus de 230 kilomètres heure de moyenne, s’enthousiasma Jean-Philippe de retour de la salle de presse avec une feuille de temps. C’est le meilleur temps jamais réalisé sur la piste du Mans. Il a annoncé que les Ford tiendraient jusqu’au bout et qu’elles gagneraient la course à plus de 200 de moyenne. Je suis tenté de le croire. Les Ferrari sont écrasées. La première est à 3 secondes !
– Tout peut arriver sur une course de 24 heures, tempéra Gérald.
– Je sais bien, reprit le journaliste. Mais Ford possède de solides arguments. Les voitures dominent leurs rivales. Ils ont engagé des pilotes remarquables : Bruce McLaren, Chris Amon, Denis Hulme, Ken Miles, Mario Andretti, Graham Hill qui vient de remporter les 500 miles d’Indianapolis et fut, ne l’oublions pas, champion du monde de F1 en 1962, Lucien Bianchi, Jochen Neerpasch, Jochen Rindt, le vainqueur de l’an dernier, Guy Ligier, Jacky Ickx… Une véritable Dream Team… »

ord-GT-40-MKII – 2002 – Mans-Classic – Photo-Thiery-Le-Bras
Au départ, elles marchèrent sur leurs rivales.
« Les monstrueuses Ford MK II et Ferrari P 3 menaient un train d’enfer. Gurney, Miles, Whitmore et McLaren, tous sur Ford, devançaient la première P 3, celle de Rodriguez…
– Enzo doit s’énerver devant sa télé à Modène, me hurla Jean-Philippe entre deux rugissements de moteurs… »

Lecou-Ansenbourg – Ford-GT40-modèle-1968 – 2004 – Mans-Classic – Photo-Thierry-Le-Bras
Jean-Philippe est un personnage de fiction qui vit dans l’univers parallèle du roman VENGEANCE GLACÉE AU COULIS DE SIXTIES que j’évoque plus haut. Tout ce dont il témoigne dans les extraits ci-dessus se révèle rigoureusement exact. Comme beaucoup d’autres détails concernant les 24 Heures du Mans qu’il raconte au fil des pages. Y compris le déroulement et l’arrivée de l’édition 1966, l’apogée du duel Ford / Ferrari que rappellent les photos de cette note, toutes prises au Manx Classic. La passion de l’automobile ne s’éteignant jamais, notons que la MKII N° 41 ci-dessous était pilotée en 2004 par le Baulois Jean-Pierre Lecou qui occupa au cours des années 90 les fonctions du directeur général des Autombiles Venturi et du Team F1 monté par Gérard Larrousse.
Au fait, savez-vous pourquoi les MKII n’arboraient pas toutes les mêmes couleurs, comme d’autres écuries ? « Les huit voitures engagées portaient chacune une couleur différente, empruntée au nuancier de la Mustang qui démarrait sa carrière », explique Henri Chemin qui était alors responsable des relations publiques et du service compétition de Ford France.
A suivre…
QUELQUES LIENS
DESIGNMOTEUR raconte l’héritage Ford Racing http://www.designmoteur.com/2016/06/heritage-ford-racing-performance/
Une montre Baume et Mercier célèbre la victoire des Shelby Cobra au Championnat du monde FIA des constructeurs GT 1965 http://bit.ly/1LT9YKl
Connaissez-vous l’excellent Mustang & Shelby Magazine de Jean-Pierre Versini ? A découvrir d’urgence si ce n’est déjà fait ! http://cmc-mag.fr/
En attendant la version enrichie et sur papier à venir prochainement, le roman VENGEANCE GLACÉE AU COUIS DE SIXTIES est disponible en eBook ICI http://amzn.to/1nCwZYd
Thierry Le Bras
15/07/2016 à 01:06
Superbes histoires.
Et quelle chance que tu as d’avoir vu des Daytona au Mans Classic… Elles ne feraient pas tâche dans le plateau 4…
15/07/2016 à 14:10
Merci Benjamin !