Partager la publication "Un album sur Michel Vaillant aux 24 Heures du Mans !"
Michel, Le Mans, sont des mots qui vont très bien ensemble… L’album consacré aux apparitions de Michel Vaillant dans la Sarthe nous le rappelle opportunément à la veille d’une nouvelle édition de cette course magnifique.
Jean Graton, le créateur du personnage et de la série Michel Vaillant, est né en 1923, comme l’épreuve. Originaire de Saint-Nazaire, pas si loin de la Sarthe, il découvrira la course à l’âge de 13 ans. Cette année-là, Jean-Pierre Wimille et Robert Benoît l’emportaient sur Bugatti à 136 km/h de moyenne. Une petite Simca 5 rejoignait l’arrivée car, à l’époque déjà, la course accueillait des voitures aux performances très différentes.

Michel-Vaillant-au-Mans-Couverture
Michel Vaillant dispute les 24 Heures du Mans dans 12 des 70 albums de la première saison de la série. Il y reviendra en 2017, dans le second cycle de la deuxième saison. La série représente beaucoup plus que le feuilleton de la vie d’une famille impliquée dans la course automobile. Car Jean Graton, analyste, souvent visionnaire, traduit aussi bien les joies du pilotage que le travail énorme de préparation, les enjeux, et parfois les dérapages de personnes peu scrupuleuses prêtes à tout pour l’emporter. Avant le temps de la télévision omniprésente et de l’Internet, Jean Graton sut amener ses lecteurs dans les stands, dans les habitacles, dans les bureaux des patrons de teams, dans l’intimité des proches des pilotes. Nul doute que ses successeurs – avec à leur tête Philippe, digne fils du papa spirituel de Michel – sauront conserver ce « plus » lorsqu’ils raconteront le retour de la famille Vaillante au Mans.
Merci aux Éditions Ouest-France et à la Fondation Jean Graton de publier ce hors-série de 128 pages à un prix très raisonnable (9,90 €). Les auteurs, Laurent Beauvallet, Stéphane Bois, Marc Le Duc et Guillaume Nédélec ont réalisé un travail de mémoire et de synthèse absolument remarquable. Nul doute qu’il séduira tant les lecteurs habituels des aventures de Michel Vaillant que ceux qui le découvrent.
Un pilote d’une longévité exceptionnelle !
Si Michel Vaillant a enfin changé physiquement au début de la saison 2, force est de constater qu’il a remarquablement résisté au poids des ans. Non content d’afficher un palmarès éclectique que tous ses rivaux lui envient, le pilote français fait preuve d’une belle longévité. Il a couru avec Jim Clark, Jean-Pierre Beltoise, Jacky Ickx, Didier Pironi, Ayrton Senna, il a encore tenu la dragée haute à Michael Schumacher. Et l’an prochain au Mans, nul doute qu’il entend tourner dans les temps de Loïc Duval, André Lotterer, Brian Hartley…

Jaguar-D – 2002 – Mans-Classic – Photo-Thierry-Le-Bras
L’album nous donne l’occasion de nous rappeler quelques modèles contre lesquels les Vaillante ont croisé le fer au fil des éditions. Il y eut les Bugatti, les Jaguar, les Aston Martin DBR1, les Ford GT40 MKII, les Porsche 917, Ferrari 512 et d’autres encore

J-Almeras-JM-Almeras-A-Ianetta- Porsche-962-C – 1989 – Le-Mans-Photo-Thierry-Le-Bras
Des Vaillantes se battront contre des Alpine A 442, des Porsche 962… Jean Graton colle à l’actualité de la course. Les Vaillante sont donc toujours dans l’air du temps ou plutôt l‘aérodynamique de la réglementation en vigueur. Les photos et dessins sélectionnés dans l’album nous le rappellent fort justement.
Des hommes et des femmes sur la piste
La course automobile met en valeur des technologies, l’organisation des teams, toute une chaine de compétences qui ne supporte ni approximation ni défaillance.

Solo-Hutchins-Honnegger – Mazda-RX7 – 1980 – Le-Mans – Photo-Thierry-Le-Bras
Souvent dans les stands ou au bord de la piste, amis de nombreux pilotes, les Graton retranscrivent ces caractéristiques de la course automobile. Tout comme ils savent mettre en avant l’évolution du circuit, les équipements de sécurité, l’enfer de la course quand la pluie s’invite au programme. Sans oublier la partie consacrée aux apports de la compétition automobile à la voiture de Monsieur tout le monde. Des progrès qui justifient à eux-seuls la course et devraient faire taire ses détracteurs s’ils étaient intellectuellement honnêtes et rationnels.
Au-delà de la technologie, Le Mans reste une histoire d’hommes et de femmes. Dans ses scenarii, Jean Graton fait cohabiter des pilotes réels avec ses personnages de fiction. Ainsi dans Un pilote a disparu, Didier Pironi apporte-t-il une aide précieuse à son ami Michel Vaillant. Dans le même album, Gabrièle Spangenberg, femme pilote née de l’imagination de l’auteur, fait équipe avec l’icône du Team Vaillante et Yves Douléac, formé par Michel dans Le 8ème pilote. J’avoue un faible pour cette histoire. D’une part, Didier fait partie de mes pilotes préférés toutes générations confondues. Quant à Gabrièle, elle représente la femme parfaite, à la fois belle, intelligente, agréable à vivre, et si douée derrière un volant… J’espère que nous la reverrons dans de prochains opus !

Fabien-Giroix – 1989 – 2 -Heures-du-Mans – Photo-Thierry-Le-Bras
Mes autres albums préférés au Mans ? Tous sont excellents. Ce sont des motifs subjectifs qui expliquent mon choix. Je citerai Concerto pour pilotes parce que je l’ai lu dans le journal Tintin quand j’étais gamin. J’attendais chaque semaine avec impatience de découvrir deux nouvelles pages de cette course où Vaillante allait se mêler au duel Ford vs Ferrari. Je mentionnerai aussi Une histoire de fous.
Ce scénario intègre tous les ingrédients d’un menu pimenté. Besoin de revanche sportive, ambiguïté de sentiments amoureux, trahison, rupture, souffrance, perte de volonté d’un homme supposé fort face à une créature manipulatrice, rebondissements inattendus lors d’une course où tout peut arriver… J’ai en outre été ravi d’y retrouver le sympathique et rapide Fabien Giroix équipier de Gabrièle et Yves ! Rappelons qu’à la fin des années 80, Fabien courait un F 3000 et faisait partie des espoirs français susceptibles d’accéder à la F1. Un accident mit fin à son ascension en monoplace, mais Fabien est revenu à la compétition dès l’année suivante. Il s’est illustré en DTM, Tourisme, GT et endurance.

Mass-Reuter-Dickens – Sauber-C9-Mercedes – 1989 – Le-Mans -Photo-Thierry-Le-Bras
Les supporters inconditionnels de Jacky Ickx le retrouveront avec plaisir au volant d’une… Mercedes C 291. C’est dans histoire qu’il reconnaît que « second derrière Vaillant, ce n’est pas déshonorant ». Notons également que le pilote belge s’est laissé aller à quelques confidences à ‘occasion de l’interview accordée aux rédacteurs de l’album. Il explique notamment comment il a piégé Hans Hermann dans le dernier tour des 24 Heures du Mans 1969. Certes, la Porsche 908 de son rival était handicapée par des plaquettes de freins usées, mais tel le renard, Jacky Ickx a utilisé une astuce qui a décontenancé son adversaire…
Et enfin, 24 Heures sous influence que j’ai déjà chroniqué. J’aimerais comme je l’ai mentionné dans un texte précédent que Dylan Montusset, apparu dans cet album qui fut le dernier de la saison 1, intègre le Team Vaillant dans l’avenir. Sans critiquer toutefois le choix qu’effectueront les scénaristes. C’est à eux qu’il appartient de choisir les personnages qu’ils ont envie de mettre en scène dans leur œuvre. Étant moi-même auteur de romans et nouvelles – souvent des polars sur fond de course auto -, je supporte très mal qu’un éditeur tente d’influencer la trajectoire de mes scenarii. Alors, si je me suis permis un peu de lobbying auprès de Jean-Louis Dauger, directeur du développement de Michel Vaillant, je comprendrais fort bien que Philippe Graton et à son équipe choisissent d’autres partenaires à leur pilote vedette.
Quand Michel Vaillant fait son cinéma
Ses supporters découvrent un excellent feuilleton télévisé en 13 épisodes et un film de Luc Besson. Je fais partie de ceux qui ont visionné le feuilleton en 1967, quand j’étais collégien. La production a offert des rôles à deux comédiennes reconnues, Claudine Coster et Catherine Lafond. J’aurais adoré voir un acteur passionné de course automobile et correspondant à l’image de « king of cool » jouer un jour le rôle de Michel Vaillant. Deux interprètes géniaux auraient correspondu à mon image de Michel Vaillant au cinéma, James Dean et Steve McQueen. Le premier était hélas décédé avant la naissance de Michel sur papier. Le second jouerait bientôt le rôle d’un pilote dans son propre film, Le Mans. L’un et l’autre auraient de toute façon dépassé les moyens financiers des producteurs. Cette série mérite cependant d’être rappelée. Filmer la course automobile coûte cher et pose de nombreux problèmes techniques. Les images de la série rendent pourtant remarquablement l’atmosphère de la compétition. Le spectateur s’adapte à la mutation des Vaillante en Alpine Renault (ou des Alpine en Vaillante). Bien que ne ressemblant pas physiquement à Michel, Henri Grandsire entre dans la peau du personnage. Sans doute par la magie de la connivence entre le pilote réel et le personnage de fiction qui nous entraîne dans un monde parallèle. Autre satisfaction, la présence de pilotes de l’époque dont Alain Leguellec, Mauro Bianchi, Bob Bondurant, José Rosinski, Johnny Servoz-Gavin, Jo Schlesser… Et bien sûr des bolides magnifiques en action parmi lesquels de superbes Cobra.

Michel-Vaillant-au-Mans
Dans le même chapitre, Guillaume Nédelec nous offre un voyage dans le temps – sans Delorean mais toujours en Vaillante – jusqu’aux coulisses du film produit par Luc Besson en 2002. A cette époque, le choix de Michel Vaillant m’a coûté la perte d’un pari avec un ami. Je voyais Pierre Cosso dans le rôle de Michel. Physique, goût du sport – il a piloté à Lohéac -, Pierre me paraissait évident dans le rôle. Luc Besson a choisi quelqu’un d’autre et m’a coûté un apéro… Ce n’est pas grave. Si je rapporte l’anecdote, c’est dans le sens d’une touche d’humour et souligner si besoin est l’intérêt que j’ai toujours apporté à Michel Vaillant.
Une interview d’Éric Boullier – transféré depuis chez McLaren après un épisode Lotus – nous explique les contraintes auxquelles l’équipe Dams devait faire face pour mettre en scène le duel Lola-Vaillante contre Panoz-Leader. J’étais au bord de la piste cette année-là. Je réalisais un reportage consacré à Jean-René de Fournoux qui faisait équipe avec Stéphane Daoudi et Jean-Bernard Bouvet. La voiture partait juste derrière celle de Michel Vaillant. Je me souviens d’avoir plaisanté à ce sujet avec Jean-René.
– Se battre contre un tel pilote, ça augure une grande carrière pour toi, avais-je lancé sur le ton de la plaisanterie.
– Oui, tu as raison, m’avait-il répondu en riant.
Je n’ai pas pu m’empêcher de relever un parallèle entre l’arrivée de la WR N° 25 et de la Reynard N° 29 dans la vraie course et la lutte Vaillante vs Leader à l’approche de la ligne d’arrivée dans le film.

WR – Vaillante – 2002 -Le-Mans-Photos-Thierry-le-Bras
A 11 heures du matin, la WR N°25 possède cinq tours d’avance sur la Reynard N° 29 de Delétraz – Pillon – Lechner, sa rivale en catégorie LMP 675. Nous savons tous que les 24 Heures ne se gagent qu’en franchissant la ligne d’arrivée. A 15 heures, nous sommes dans le stand WR, à la fois stressés et pleins d’espoir. Soudain, Stéphane Daoudi s’arrête, axe de suspension cassé. Il repart 15 minutes plus tard, encore en tête des LMP 675. « J’y croyais vraiment« , se souvient Jean-René. Hélas, l’axe cède à nouveau. Stéphane revient au stand. Les mécanos changent la roue; la WR reprend la piste. Le pneu éclate, et tout bascule. Roulant sur trois roues, Stéphane ne peut pas résister. Dans l’ultime tour, la Reynard le double. « Tu prends un gros coup sur la tête« , soupire Jean-René. La WR blessée finit 2ème de sa catégorie, ce qui représente déjà une belle performance. Ce dernier tour incroyable en LMP 675 a-t-elle excité l’imagination des scénaristes du film et infléchi la trajectoire de l’histoire ? La réalité dépasse bien souvent la fiction. Je précise cependant que la comparaison s’arrête à cette arrivée romanesque. Dans la réalité, l’équipe de Noël Del Bello qui engageait la Reynard s’est comportée loyalement et sportivement. La fin de course lui a été plus favorable qu’à celle de Gérard Welter. C’est la course. Rien à voir avec les fourberies de Ruth, la fille du leader, qui ne recule devant rien dès qu’il s’agit de nuire à Vaillante.
D’autres surprises dans l’album
Volontairement, j’ai illustré cette chronique à l’aide de photos personnelles qui suggèrent les thèmes de l’album sans emprunter son iconographie. A l’exception toutefois de la couverture afin que vous repériez le produit dès le premier regard chez votre marchand de journaux !

Gregg-Redman-Poulain – BMW-30-CSL-Turbo – 1976 – Le-Mans – Photo-Thierry-Le-Bras
J’ai pris un grand plaisir à lire Michel Vaillant et les 24 Heures du Mans. Tous les thèmes abordés réveillent des souvenirs agréables liés à la course. Un reproche ? Ah si, peut-être… Arrivé à la dernière page, je me suis dit avec un peu de tristesse, c’est déjà fini… Mais j’avais encore dans la tête les superbes photos des Art Cars initiées par Hervé Poulain, les Art strips réalisés par Dominique Graton, la reproduction de dessins de Géo Ham… La belle automobile est une œuvre d’art roulante. En outre, elle inspire les créateurs venus d’autres horizons.
QUELQUES LIENS
DESIGNMOTEUR présente la Ford MKII victorieuse au Mans 1966 http://www.designmoteur.com/2016/06/ford-gt40-victoire-24-heures-du-mans-1966/
Steve McQueen, The Man & Le Mans http://bit.ly/1Sl7iIy
James Dean, acteur et pilote http://bit.ly/1hKViUh
Dylan Montusset pilote Vaillante http://bit.ly/20Cu7PU
Mon dernier polar (papier), sur fond de Rallycoss à Lohéac est disponible http://bit.ly/1XEpx1J
Thierry Le Bras