Il existe des voitures qui s’associent à des souvenirs marquants. L’Opel GT fait partie de ces modèles qui m’ont impressionné. Un article récent de l’excellent site DESIGNMOTEUR sur le Concept qui rappelle son identité m’a ramené à ma découverte de cette voiture.
Opel-GT – 2015 – Rennes – Photo-Thierry-Le-Bras
Flash-back jusqu’aux vacances de Pâques 1969. Une Opel GT arrive à la concession de Saint-Malo. Mon père est client de ce garage auquel il a acheté une Opel Rekord un an et demi plus tôt. Comme il roule beaucoup, le garage espère lui vendre une nouvelle Opel plus tôt. Objectivement, je ne crois pas que le commercial qui s’occupe de son dossier espère vraiment lui vendre la GT. La Rekord est équipée d’un attelage afin de tracter… une caravane. Impensable d’assigner une telle tâche à la GT. En outre, la GT ne comporte que deux vraies places et n’a pas de coffre.
Opel-GT – 2015 – traversée-de- Rennes – Photo-Thierry-Le-Bras
Le représentant sait que mon père aime conduire vite et qu’il apprécie le sport automobile. Jean-Pierre Wimille et le Colonel Simone (qui pilota à plusieurs reprises des Maserati au Mans) font partie des idoles de sa jeunesse. Alors, le garage fait le geste commercial qui fait plaisir, proposer un essai de son coupé sportif. Rendez-vous est pris en début d’après-midi un jour de semaine. Mon père m’amène avec lui.
J’ai senti le choc
Comme plus tard Claude Nougaro dans Nougayork, j’ai senti le choc en découvrant l’Opel GT en vrai. Un souffle barbare, un remous hard-rock… Oui, tout à coup, j’ai changé d’époque… Alors, Come on ! ça démarre, sur les starting blocks ! Certes, j’avais déjà vu des photos d’elle dans la presse spécialisée. Mais elle était encore plus belle au naturel. Le modèle livré au garage de la Cité corsaire arborait une livrée bleue qui soulignait sa vocation sportive. Bleue comme Gordini, bleue comme l’Étoile filante, bleue comme les voitures françaises en course selon la tradition. Et tant pis si elle était allemande. Le choix du bleu renforçait le coefficient sympathie des amoureux français de belles sportives.
Durant mon enfance, je dessinais le profil d’un coupé deux places très sportif. Une propulsion naturellement ! Une voiture qui aurait été vendue en série et aussi développée dans le but ultime de toute sportive, s’aligner en course et si possible signer des performances. Quand j’ai vu l’Opel GT en 1969, je me suis dit qu’elle ressemblait à mon idéal esthétique, affiné par des dessinateurs bien plus doués que moi. Ils avaient donné naissance à mon rêve automobile !
Opel-GT -bleue
J’ai repris cette idée dans la série des romans mettant en scène David Sarel, ses proches et la firme automobile Vivia installée à Kervignac dans le Morbihan. En la romançant bien sûr. Dans Chicanes et Dérapages de Lorient au Mans, le concept naît un été à Larmor Plage. Flash-back d’une page sur l’enfance d’Éric Trélor (parrain de David) et de Freddy Vivien, son meilleur ami. Les jours de pluie, ils s’enforment dans la caravane du grand-père d’Éric et dessinent ce petit coupé ultra-sportif avec lequel ils rêvent de courir dès qu’ils auront le permis de conduire. L’envie les habite. Ils continuent à imaginer cette voiture idéale à leurs yeux. Au point qu’ils lui donneront vie (avec des partenaires) dans des circonstances exposées dans le roman. Ce coupé deviendra le premier modèle Vivia, une automobile passion qui définira la philosophie de la marque morbihannaise. Une lignée de voitures ultra sportives, conçues avec l’obsession de servir de bases à des modèles de compétition. Des voitures dotées d’armes de séduction massive, comme l’Opel GT.
Toujours un faible pour Opel
Mes premiers dessins du coupé idéal datent de 1966. Je l’appelais Victoria (victoire en latin). Je n’ai jamais essayé de le produire ni de trouver des partenaires qui le fassent. Opel avait déjà finalisé l’adéquation esthétique en produisant le coupé GT. Ce concept d’enfance est tout de même imprimé dans mon esprit. Il s’est en effet écoulé près de quarante ans entre les premiers croquis et la rédaction des aventures de David Sarel et du Clan Vivia.
Opel-GT-Arme-de-séduction-massive – Source-Damata-Vintage
Et l’essai, interrogeront certains lecteurs ? Il a fallu que je me plie en quatre pour me glisser à l’arrière du coupé Opel. Mon père a profité de l’occasion pour s’amuser et pousser la voiture à la limite. Il a évité un crash dans des circonstances pas si éloignées de l’accident de James Dean dont j’étais déjà un grand fan. Le responsable, un « touriste » peu attentif à sa conduite, l’air peu éveillé (je reste policé et j’évite ainsi l’usage d’un vocabulaire peu approprié à la forme écrite). Finir comme James Dean, pourquoi pas après tout ? Au moins, la fin arrive vite. Et je n’ai jamais la fatuité de penser que ma vie influençait un tant soit peu le destin du monde ni d’ailleurs de grand monde. Le représentant du garage Opel a eu très peur. Pas moi. L’inconscience de la jeunesse dans doute. J’ai toujours adoré la vitesse. Plus les aiguilles du compte-tours et du compteur de vitesse s’orientent à droite des cadrans, plus je me sens heureux. Ce jour-là, j’ai donc passé un excellent moment. L’Opel GT n’offrait pas des performances extraordinaires, mais elle avançait quand même bien et son habitacle très bas donnait le sentiment de rouler dans une sportive.
Opel-Manta-19-SR – 1971 – Photo-Thierry-Le-Bras
Mon père n’a pas acheté l’Opel GT. Il se laisserait toutefois séduire par une Manta 19 SR deux ans plus tard. Avant de céder aux sirènes du merveilleux coupé Alfa Romeo 2000 GTV, puis de revenir à une berline Opel à cause des limitations de vitesse et de l’avantage fiscal bêtement accordé aux poêles à mazout (je profite de la possibilité de place un accent circonflexe tant que les ennemis de la culture française ne le sanctionnent pas encore d’une amende dissuasive et que les ordinateurs le permettent – nul doute que les prochains claviers livrables dans notre beau pays seront équipés de touches sabotant l’orthographe de notre superbe langue).
MC-Beaumont – Opel-GT – 1971 – Rallye-des-Cevennes
Seule déception, l’Opel GT n’a pas signé de grands résultats en compétition. La marque à l’éclair ne l’a pas développée, préférant enrichir son palmarès dans les catégories groupe 1 et groupe 2 (tourisme et tourisme spécial) plutôt que s’investir en GT avec sa biplace. En France, Henri Greder en engagea une à plusieurs occasions de 1969 à 1972. La voiture apparut dans des grands rallyes, tantôt pilotée par lui, tantôt par Marie-Claude Beaumont et même par le déjà très rapide Jean Ragnotti. Un gentleman-driver normand tenta aussi l’aventure Opel GT (voir liens en fin de note). La firme allemande n’offrit pas à son coupé les homologations qui lui auraient permis d’aller se battre avec les Alpine par exemple. C’est dommage.
Thierry-Le-Bras – Opel-Ascona-19-SR – 1976 – CC-Pouillé-les-Coteaux – Photo-Photo-Actualité
Plus tard, j’ai eu le bonheur de posséder une Opel, un modèle Ascona 19 SR. C’est avec cette voiture que j’ai effectué ma première saison en compétition ! Puis je l’ai conservée pour rouler au quotidien et tracter la Golf GTI qui me permit d’aller chercher des victoires de classe. L’Ascona était équipée d’un moteur proche de celui monté quelques années plus tôt sur les GT. L’auto manquait de puissance par rapport à ses rivales Alfa Romeo 2000 GTV, Ford Escort 2000 RS ou Triumph Dolomite Sprint. Par contre, ses qualités routières se révélaient excellentes. Et en usage quotidien, l’Ascona SR procurait un grand plaisir de conduite. Assurément une des voitures de tourisme que j’ai le plus aimées et qui m’a donné le plus de joies !
QUELQUES LIENS
DESIGNMOTEUR présente l’Opel GT Concept http://www.designmoteur.com/2016/01/opel-gt-concept/
1969, un gentleman driver normand, Guy de Paix de Cœur, engage une Opel GT 1900 en rallye http://www.entraideopelgt.fr/wp/wp-content/docs/Newsletters/Archives/lettre_12/de_paix_de_coeur_guy.htm
L’Opel GT Sbarro d’Henri Greder http://sbarro.perso.neuf.fr/voitures/opel_Greder/opelgreder.html
Chicanes et Dérapages de Lorient au Mans sur le site du Comité 12 de la Fédération Française de Sport Automobile http://bit.ly/1NUvoVI
Les années Opel de Yoann Bonato, un des tout meilleurs rallymen français http://circuitmortel.com/2016/01/yoann-bonato-retour-gagnant-en-2013-23/
Thierry Le Bras