Circuit Mortel vous offre un feuilleton automobile en 6 épisodes pour les fêtes ! Un peu road-movie, franchement cynique, non dénué d’humour caustique, sans illusions sur les familles, une histoire où vous vous demanderez si le Père Noël existe… ou pas ? Le narrateur sera Philippe Georjan, personnage déjà connu de mes lecteurs les plus fidèles. Les autres le découvriront.

Décoations-de-Nioël – Phot-TLB
Les premiers épisodes de ce feuilleton sont en ligne ICI
Épisode 1 : http://circuitmortel.com/2015/12/de-trop-a-noel-16/
Épisode 2 : http://circuitmortel.com/2015/12/de-trop-a-noel-26/
Épisode 3 : http://circuitmortel.com/2015/12/de-trop-a-noel-36/
Épisode 4 : http://circuitmortel.com/2015/12/de-trop-a-noel-46/
Épisode 5 : http://circuitmortel.com/2015/12/de-trop-a-noel-56/
(Philippe Georjan et son cousin Laurent traversent la France en voiture un jour de Noël. La nuit tombe. Ils arrivent en Auvergne …).
Épisode 6
– Crois-tu que nous allons trouver un hôtel, s’inquiéta mon cousin alors que nous approchions de la station du Mont-Dore ?
– Pas si évident, ai-je reconnu.
A l’époque, ni les téléphones portables, ni Internet, ni Google, ni Booking, ni les applis n’existaient. Dans notre situation, la seule méthode consistait à se rendre à la réception des hôtels pour demander s’il restait des chambres libres. Si nous ne trouvions rien, nous n’aurions qu’une solution, dormir dans la voiture. Les sièges s’inclinaient en couchettes. En combinaison de ski dans les sacs de couchage, ce ne serait pas si pénible. Au pire, nous ferions tourner le moteur le temps afin de chauffer l’habitacle si le froid – plutôt vif ce soir-là – nous réveillait. Avant, nous nous offririons un bon dîner chaud dans un resto.

Opel-Kadett-GTE-1978 – Mont-Dore- Photo-Thierry-Le-Bras
– Si nous ne trouvons pas d’hôtel et que nous campons dans la voiture, nous pourrions aller à Chambon-sur-Lac, suggéra Laurent. Nous nous garerons auprès du lac. Le paysage est tellement beau qu’il nous fera oublier le confort relatif de la nuit dès que nous nous réveillerons demain matin. Avec le givre, ce sera superbe.

Jean-Ortelli – Alpine-A-441 – 1978 – Le-Mont-Dore – Photo-Thierry-Le-Bras
J’ai approuvé l’idée. Le lac de Chambon est visible en arrière-plan depuis certains virages de la course de côte. Ce site est absolument enchanteur, adapté au caractère spécial de Noël. Et c’était amusant d’amener ma nouvelle Kadett GTE dans une région où elle connaîtrait les reconnaissances rapides – très rapides – les jours précédant la prochaine édition de la course de côte du Mont-Dore.
Finalement, la chance nous a souri. Le Père Noël ne nous avait pas vraiment abandonnés. Nous étions tout près du Mont-Dore, à moins de 5 kilomètres. Laurent, habitué à lire les notes en rallye, attira mon attention sur un établissement à droite de la route. Des lumières filtraient derrière les volets aux étages et le rez-de-chaussée paraissait éclairé. Quelques voitures stationnaient sur le parking. Une 2cv camionnette qui servait sans doute aux exploitants, mais aussi des véhicules de tourisme. Je roulais trop vite pour engager la Kadett GTE sur le parking. Nous avons donc fait demi-tour au frein à main 100 mètres plus loin sur le parking en terre battue d’une entreprise de bâtiment. Nous connaissions la région depuis longtemps. C’était lors d’un bref séjour dans les environs de Charade que nous avions fait la connaissance du pilote automobile Xavier Ferrant quand nous étions adolescents (1). Nous savions par expérience que l’Auvergne comptait de nombreux petits établissements qui, sous une allure très simple, proposaient des prestations de grande qualité à des tarifs particulièrement compétitifs. Nous avions vu de la lumière, donc nous sommes entrés. Une dame certainement proche de la retraite est arrivée quelques secondes plus tard.
– Vous resterait-il des chambres ? a interrogé Laurent.
– Tout dépend pour combien de nuits ?
– Une, nous repartons demain matin.

2cv-camionnette – Photo-Thierry-Le-Bras
– Pour ce soir, il reste une chambre pour deux personnes. Elle est louée à partir de demain midi et toutes les autres sont occupées par des pensionnaires le temps des vacances. Pour deux frères, ça devrait faire l’affaire. Vous voulez la voir ?
Les gens nous prenaient toujours pour des frères. Il est vrai que nous nous ressemblions, Laurent et moi. Même taille, même âge à quelques jours près, même teint, à peu près la même carrure bien que Laurent soit un peu plus carré, ce qui ne m’avait pas arrange lorsque, grands adolescents, nous nous amusions à la lutte ou au catch. Ce d’autant que quand Laurent avait réalisé qu’il devenait plus fort que moi vers l’âge de seize ans, il avait su me rappeler que lorsque nous étions plus jeunes, j’avais souvent l’avantage et qu’il avait des tas de revanches à prendre. La chambre se révéla correcte. Pas très grande, pas luxueuse, mais propre et suffisamment confortable. A l’image de l’établissement et de son environnement. Nous n’aurions pas besoin de camper dans la voiture en plein hiver.
– Vous voulez dîner ? demanda la vieille dame.
– Pourquoi pas ? Si ça ne vous dérange pas. Qu’est-ce que vous suggérez ?
– Les pensionnaires dînent à 19 heures 30. Ils ont bien fêté Noël hier soir et ce midi. Ils veulent un repas léger. Mais si vous voulez, je peux vous préparer un repas amélioré. Un peu de foie gras, du jambon de pays. Après, il reste largement de quoi vous faire deux belles parts de ragoût de sanglier et de la bûche aux myrtilles pour finir.
L’Auvergne se révélait une nouvelle fois fidèle à la tradition de convivialité que nous lui connaissions. Nous nous sommes régalés de la bonne cuisine du terroir mijotée par la patronne. Le whisky, le verre de Sauterne puis le Passetougrain réjouirent nos palais. Nous avons passé une bonne soirée. Après dîner vers 21 Heures 30, nous n’avions pas envie d’aller nous coucher tout de suite. Notre hôtesse nous a suggéré d’aller faire un tour au Mont-Dore où quelques bars seraient ouverts. Elle proposa de nous confier une clé pour que nous puissions rentrer tard. Nous lui avons demandé si elle avait un journal local qui annonçait le programme du cinéma. Nous étions en 1978. Le premier opus de Star Wars passait en deuxième séance à 22 heures 15. Nous avions le temps de nous y rendre.

Alfa-Romeo-Giulia – Photo-Thierry-Le-Bras
Nous avions déjà assisté à une projection de Star Wars à Paris. Mais sans nous concentrer sur le film. Nous étions allés au cinéma avec deux jeunes consœurs italiennes qui séjournaient une semaine à Paris pour raisons professionnelles. Notre cabinet était le correspondant du leur à Rome. Il eût été grossier de les abandonner seules dans la capitale le soir venu. Elles étaient aussi flamboyantes que leur Alfa Romeo Giulia. Nous ne les avons pas quittées de la semaine. Dans la salle du cinéma, le côté obscure de la force nous avait pilotés vers les attraits de nos copines éphémères aux dépens des questions existentielles soulevées par l’œuvre de George Lucas… Reverrions-nous nos belles Italiennes ? Tout dépendrait sans doute de l’évolution des affaires de leur client en France. A moins que nous organisions une escapade à Rome ou à Venise le temps d’un week-end… Il vaut mieux s’offrir les cadeaux qu’on souhaite que les attendre des autres. Pourquoi pas si elles étaient encore libres ? A Paris, elles nous avaient d’entrée laissé entendre qu’elles croquaient la vie à pleines dents et qu’une aventure de quelques jours ne les dérangeait pas. Les retrouverions-nous aussi enjouées, belles comme des sapins de Noël avec leurs bijoux choisis avec soin ? Pourquoi pas. La vie n’était pas si cynique. Elle offrait des opportunités à saisir.

Didier-Pironi – 1982 – GP-de-Hollande
Nous avons découvert Star Wars avec la curiosité d’une première fois. Puis nous nous sommes offert deux coupes de Champagne dans un bar du Mont-Dore. J’ai toujours adoré ce divin breuvage associé au plaisir, à l’excitation, à la victoire. De tous temps, le Champagne brut a célébré les vainqueurs en course automobile Nous sommes rentrés à l’hôtel vers une heure du matin. Noël était terminé. Un Noël différent des autres. Il ouvrait un nouveau cycle. Laurent et moi savions très bien qu’il était peu probable que nous partagions à nouveau des fêtes traditionnelles avec nos parents. Pas avant un moment en tout cas. Les paroles de Mon fils, une chanson de Michel Sardou, mon chanteur préféré, me revinrent en tête au moment d’éteindre la lumière dans notre chambre d’hôtel.
Mon fils,
Essaie de me comprendre.
Je ne sais pas bien m’y prendre
Et puis l’on ne s’est jamais parlé.
J’essaie de t’expliquer
Que tout peut arriver,
Que rien d’humain n’est éternel,
Même quand les sentiments s’en mêlent…
La chanson rapportait un contexte différent, celui d’un père qui quitte la mère de son fils pour une nouvelle vie. Mais quelque part, mon père voulait aussi se donner une nouvelle chance avec une nouvelle personne dans sa vie, une fille qu’il allait aimer, dont il voulait être plus proche qu’il l’avait été de moi. Il reviendrait un jour vers moi… ou pas… Mon père et moi, nous nous connaissions peu au fond. Ce n’était pas grave. L’important, c’était que nous trouvions chacun nos trajectoires de vie, qu’elles se croisent ou pas. Ma mère serait-elle fière de moi un jour ? Franchement, je ne le croyais pas. Elle me voyait depuis toujours avec le prisme déformant de la grand-mère. Rien de ce que je pourrais faire ou dire ne modifierait sa perception. Dans mon métier d’avocat comme dans le sport automobile, j’étais convaincu que la rage de vaincre retournait de nombreuses situations. Seulement, beaucoup de relations familiales échappent aux constructions logiques. Elles flottent dans un épais brouillard qui ne se dissipe jamais, sauf éventuellement pour révéler un champ de ruines. La vie de mes parents avec Rosa, c’était leur histoire, pas la mienne. J’espérais juste que la petite ne serait pas polluée par la grand-mère comme ma mère et ma tante l’avaient été. Non que d’éventuels futurs contacts avec Rosa me préoccupassent. Juste par charité chrétienne, dans l’espoir que les névroses de la méchante mamie ne deviendraient pas les siennes au point de l’empêcher de profiter des cadeaux de l’existence.

Père-Noël – Photo-TLB
Le lendemain matin, nous nous sommes levés à 9 Heures. Un bon petit déjeuner nous attendait. Croissants, pain de campagne, confiture de myrtilles (nous n’avons pas pris de beurre car les Auvergnats n’ont qu’un défaut, ils ne servent pas de beurre salé comme nous, les Bretons). Et même une omelette au jambon de pays ! Puis nous avons descendu nos bagages dans la Kadett GTE et réglé notre note. Une facture très raisonnable en comparaison des tarifs pratiqués à Paris et dans les stations balnéaires. On the road again… Dans quelques heures, nous arriverions à destination et nous retrouverions Xavier, Gérald, Sylvia, Alain et les autres. Nous ne nous sentirions pas de trop, c’était certain. A nous le ski, les descentes de pistes noires, peut-être quelques virées à motoneige. Le réveillon du 31 décembre serait chaleureux. La tradition des fêtes de fin d’année était géniale, finalement ! Le Père Noël existait et il ne travaillait pas que le 25 décembre. J’en étais convaincu et je continue à l’espérer malgré mes inquiétudes quant à l’avenir de notre société.

R5-Alpine-groupe-2 – 1978 – Photo-Thierry-Le-Bras
L’année 1979 et les suivantes nous attendaient. Avec de nouveaux défis. Dès la fin du mois de février, nous affronterions Brice au Rallye de la Côte Fleurie. Il piloterait sa R5 Alpine groupe 2, et moi la Golf GTI groupe 2. Les épreuves spéciales comptant pour le classement se déroulaient toutes de nuit. J’étais bien décidé à coller une valise à ce petit prétentieux. J’allais lui montrer qui était le meilleur (2).
A suivre…
QUELQUES LIENS
DESIGNMOTEUR vous expose, photos à l’appui, comment le Team Hunday Motorsport prépare la saison WRC 2016 http://www.p1dm.com/sport/2015/12/hyundai-motorsport-i20-wrc-2016-team/
(1) Philippe était là lorsque Xavier disputa ses première 24 Heures du Mans. Cet épisode fait même l’objet d’un roman http://amzn.to/1pwK0iL
(2) La rivalité entre Philippe et Brice fut toujours exacerbée… http://0z.fr/110Cx
Philippe Georjan
(propos recueillis par Thierry Le Bras – Vous êtes surpris qu’un personnage de fiction s’exprime et signe ? Vous avez tort, les personnages de fiction vivent dans un univers parallèle où ils entraînent leur créateur et les lecteurs de leurs aventures. Pourquoi ne s’exprimeraient-ils pas ? C’est la magie de la fiction, chers lecteurs. En tant qu’auteur, je ne suis que le biographe de mes personnages et je leur suis reconnaissant de m’accepter dans leur monde et d’obtenir d’eux l’autorisation de rapporter les temps forts de leurs existences)