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DE TROP A NOËL 4/6

Circuit Mortel vous offre un feuilleton automobile en 6 épisodes pour les fêtes ! Un peu road-movie, franchement cynique, non dénué d’humour caustique, sans illusions sur les familles, une histoire où vous vous demanderez si le Père Noël existe… ou pas ? Le narrateur sera Philippe Georjan, personnage déjà connu de mes lecteurs les plus fidèles. Les autres le découvriront.

Decorations-de-Noël - Photo-TLB

Decorations-de-Noël – Photo-TLB

Les premiers épisodes de ce feuilleton sont en ligne ICI

Épisode 1 : http://circuitmortel.com/2015/12/de-trop-a-noel-16/

Épisode 2 : http://circuitmortel.com/2015/12/de-trop-a-noel-26/

Épisode 3 : http://circuitmortel.com/2015/12/de-trop-a-noel-36/

(Accueillis comme des étrangers par la majorité de leur famille Philippe et Laurent décident de quitter la maison dès le 25 décembre au matin…).

Épisode 4

Nous prîmes place autour de la table ronde. Vous êtes-vous trouvé un jour à un repas où personne ne vous adresse la parole ? Ou presque… Nous étions huit à partager ce dîner. Laurent était à ma droite, comme en rallye. Une tradition qui nous amusait. Nous la reproduisions volontiers lors des repas pris en groupe. Le pilote à gauche, le navigateur à droite. Son père s’était placé à côté de lui. A ma gauche, ma grand-mère, droite comme un I, dans l’attitude de l’adjudant  qui fait rempart de son corps contre le diable en personne. Elle me reprocha d’avoir mis trop d’eau de toilette. Je lui répliquais que L’Eau sauvage de Dior ne gênait généralement personne. Puis, toujours en suivant le sens des aiguilles d’une montre, ma mère, la petite Rosa, ma tante, et enfin mon père. Le tour de circuit était bouclé.

Renault-Estafette-Gendarmerie - Saint-Gouëno - Photo-TLB

Renault-Estafette-Gendarmerie – Saint-Gouëno – Photo-TLB

Le repas fut vite avalé. La conversation ne dépassa jamais quelques banalités sur le goût des mets et la température des vins proposés. A part mon oncle, tout le monde nous lançait des regards aussi engageants qu’une Estafette de Gendarmerie sur un circuit automobile.

Rosa ne voulut pas avaler une bouchée de son dessert. Mes parents, ma tante et ma grand-mère l’ont accompagnée dans sa chambre afin de lui raconter une histoire de Noël. Seul mon oncle est resté avec nous, promettant d’organiser un week-end un peu plus tard, dès que les choses se seraient arrangées.

A 22 heures, personne n’était redescendu. Laurent et moi sommes montés dans mon ancienne chambre que ma mère avait fait préparer à notre attention. Je me souviens avoir lu quelques chapitres d’un roman d’Agatha Christie. S’immerger dans un bon polar offre la promesse d’un moment agréable. Laurent a commencé un Simenon. Nous avions prévu quelques romans que nous nous échangerions après lecture. En vérité, nous pensions à occuper d’éventuelles journées de mauvais temps plutôt que le réveillon du 24 décembre. Nous avons éteint la lumière vers minuit.

Cadeaux-de-Noël - Photo-TLB

Cadeaux-de-Noël – Photo-TLB

Le matin, nous nous sommes réveillés tôt. A 8 heures 30, nous étions rasés, douchés, et les bagages avaient repris leur place dans le coffre de la Kadett GTE. Nous avions déposé nos cadeaux sous le sapin avec un post-it identifiant le destinataire sur chaque paquet. Avant de fermer la porte de ma chambre, j’ai jeté un dernier coup d’œil sur cette pièce où j’avais grandi. J’y avais laissé des livres et d’autres objets familiers sur des étagères. Notamment une Ford GT40 miniature fabriquée par Dinky Toys.

Ford-GT-40 2004 - Le-Mans-Classic - Photo-Thierry-Le-Bras

Ford-GT-40 2004 – Le-Mans-Classic – Photo-Thierry-Le-Bras

Cette voiture rappelait nos premières 24 Heures du Mans vécues au bord de la piste en 1966 (1). Réflexion faite, je l’ai prise. Je ne savais pas quand je reviendrais dans cette maison. Ni même si j’y reviendrais un jour. Pour l’instant, je n’en avais pas vraiment envie. Nous sommes partis sans voir personne. Sans nos cadeaux non plus. Nos parents n’étaient pas encore levés. Personne n’avait pensé les poser quelque part à notre attention. Nous avons préféré ne pas nous préparer un café comme nous l’aurions fait avant. Nous nous sentions des étrangers dans la demeure.

Comment allions-nous organiser notre 25 décembre ? Nos amis nous attendaient à Isola 2000 le 26 au soir. Nous serions bien accueillis plus tôt. Mais nous ne tenions guère à troubler la fête avec nos petites histoires de famille. Nous avons donc choisi de rallier les Alpes Maritimes par le chemin des écoliers. C’était bizarre de traverser la France un jour de Noël, un moment où la plupart de nos compatriotes passaient le plus clair de leur temps à table.

Jaguar-MKII - Photo-Thierry-Le-Bras

Jaguar-MKII – Photo-Thierry-Le-Bras

Ce n’était pas une punition. J’adorais conduire, rouler à vive allure. Laurent me guidait, comme en rallye où nous formions un équipage efficace. A cette date, nous ne craignions pas grand-chose des radars. Nous n’étions  pas les seuls sur la route. Le bitume était sec. Je connaissais le tronçon Saint-Malo – Rennes  par cœur pour l’avoir parcouru des centaines de fois lorsque j’étais étudiant en droit à Rennes et que je rentrais chaque week-end ou presque. L’essentiel du trajet était encore en deux voies. Mais à chaque ligne droite, j’accélérais à fond et l’aiguille du compteur de la Kadett GTE montait puis descendant à droite du cadran jusqu’à cent soixante, cent soixante-dix, cent quatre-vingt kilomètres heure, parfois plus. A cette vitesse, nous avons rattrapé, doublé et distancé de nombreux autres véhicules. Au niveau de Miniac Morvan, nous avons fondu sur une Jaguar MKII et une Aston Martin qui roulaient de concert. Le conducteur de l’Aston était plus vieux et plus bedonnant qu’un agent secret. Il n’avait sans doute pas le permis de tuer. La femme d’âge mur assise à la place passager n’était pas une James Bond girl.

– Ce n’est pas James, ai-je plaisanté. Tout au plus son spectre…

– Nan, a répliqué Laurent. C’est Malo Larech qui conduit l’Aston. Et son fils  le suit avec la Jaguar. Ils sont toujours amateurs de voitures anglaises. Le fils prendra la suite de son père à la tête des Industries Larech et la fille est ORL à Rennes. Ils vont sans doute fêter Noël chez elle.

Nous connaissions la famille Larech de nom, comme tous ceux qui ont vécu à Saint-Malo. J’avais d’ailleurs consulté le docteur Christiane Larech-Beauchamp lorsque j’étais étudiant afin qu’elle soigne des crises de conjonctivite qui m’avaient gêné. En outre, une des Jaguar de Malo Larech avait joué un rôle – à l’insu de son propriétaire – dans un fait divers dont nous avions été témoins au temps de notre adolescence (1)

Porsche-911-T - Photo-Thierry-Le-Bras

Porsche-911-T – Photo-Thierry-Le-Bras

Un peu plus loin, nous avons rattrapé une Porsche qui roulait pas mal et s’est accrochée un peu jusqu’aux fameux virages de Hédé, une enfilade assez sinueuse en montée dans le Saint-Malo Rennes. Là, la 911 a perdu du terrain et je ne l’ai plus vue dans les rétros. A Rennes, nous nous sommes offert un solide petit déjeuner au buffet de la gare. Croissants, tartines, jus d’orange, cafés, de quoi nous caler jusqu’au déjeuner.

– Nous échappons à un tas de corvées, ironisa Laurent. Pense qu’à cette heure-ci, des tas de gens ouvrent leurs cadeaux sous le sapin. La plupart cachent la déception que leur inspire la livraison du Père Noël.

– Ou ils ne prennent pas la peine de le faire, soupirai-je…

– Pas faux, admit Laurent… Comme tant de fois à la maison.

– Cette fois au moins, si nos parents n’aiment pas les cadeaux que nous avons déposés sous le sapin avant de partir, nous ne le saurons pas. Soulagement…

A suivre…

QUELQUES LIENS

DESIGNMOTEUR présente la Porsche 911 GT3RS, une machine séduisante aux couleurs du Père Noël http://www.designmoteur.com/2015/03/porsche-911-gt3-rennsport/ 

(1) Une voiture de Malo Larech à vendre dans ce roman ; et une semaine de folie au Mans pour Philippe et Laurent http://amzn.to/1nCwZYd

Philippe Georjan

(propos recueillis par Thierry Le Bras – Vous êtes surpris qu’un personnage de fiction s’exprime et signe ? Vous avez tort, les personnages de fiction vivent dans un univers parallèle où ils entraînent leur créateur et les lecteurs de leurs aventures. Pourquoi ne s’exprimeraient-ils pas ? C’est la magie de la fiction, chers lecteurs. En tant qu’auteur, je ne suis que le biographe de mes personnages et je leur suis reconnaissant de m’accepter dans leur monde et d’obtenir d’eux l’autorisation de rapporter les temps forts de leurs existences.

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