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Steve McQueen, l’homme et Le Mans

Steve McQueen et Le Mans à nouveau sur grand écran !

Un acteur mythique qui adorait tout ce qui allait vite avec un moteur. Une des plus grandes courses du monde, un spectacle unique. Des caméras. Des bolides, des figurants, des rugissements de fauves mécaniques. Une belle femme. Des pilotes d’exception. Des Gulf Porsche 917, des Ferrari 512 S à une époque où l’endurance et les 24 Heures possédaient une aura au moins aussi importante que la Formule 1. Tels sont les ingrédients du film Le Mans sorti en 1971.

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Il mêle images d’archives et scènes de fiction tournées dans le souci de reconstituer la course. Cette œuvre devint le film culte traitant de sport automobile. Plus réaliste que le Grand-Prix réalisé cinq ans plus tôt par John Frankenheimer. Plus fidèle à la compétition que d’autres œuvres où la course n’apparaît qu’en second plan. Seul Rush, produit quatre décennies plus tard, se rapproche de la perfection de Le Mans.

Associé à la joie de vivre et à l’insouciance, le Vintage a fait un retour en force ces dernières années. Logique dans ce contexte qu’Andrew Marriott, journaliste, Chad McQueen, le fils de l’acteur, John McKenna et Gabriel Clarke, réalisateurs, aient éprouvé l’envie de se lancer dans une nouvelle aventure, un film sur LE FILM, un documentaire sur Le Mans (le film). Cette nouvelle œuvre, intitulée The Man & Le Mans, a été projetée au Festival de Cannes 2015. Elle arrive en salle le 4 novembre 2015.

Flash-back sur Le Mans (le film de 1971)

Le Mans, c’est l’histoire revisitée d’une édition de la classique mancelle au début des années 70. Steve McQueen interprète le rôle de Michael Delaney, pilote Porsche, qui revient sur le circuit un an après un grave accident où un autre concurrent, Pierre Belgetti, a trouvé la mort. La veuve de Belgetti est là. C’est une femme superbe. Elle n’est pas venue exprimer de la rancœur. Simplement, elle est là, dans la grande famille du sport automobile. Une famille pas toujours soudée… Rivalités sportives et amoureuses exacerbent les sentiments. Michael Delaney fait partie des favoris. Pour l’emporter, il devra imposer sa Gulf Porsche 917 aux Ferrari 512 S, notamment à celle d’Erich Stahler, le rival. Les pilotes ne se feront pas de cadeaux sur la piste.

« La course, c’est la vie! Avant et après, il n’y a que l’attente », déclare Michael Delaney alias Steve McQueen dans le film. Une citation, une phrase qui explique tout le film et toute la personnalité de Steve McQueen. Le critique cinématographique Samuel Blumenfeld, auteur du livre Au nom de la loi, résume parfaitement l’œuvre. « Il n’y a pas de scénario, pas d’histoire. Il (Steve McQueen) veut tourner un documentaire avec la volonté de filmer la vitesse, comme ça n’a jamais été fait avant, comme ça ne sera jamais fait après. »

Si Steve McQueen avait choisi la trajectoire de sa vie depuis l’enfance, sans doute serait-il devenu pilote professionnel et pas acteur. « Steve savait mener une voiture de course, témoigne Gerd Schmid, un mécanicien Porsche. Je ne sais pas où il a appris, mais il avait ça dans le sang. »

En 1970, Steve McQueen a quarante ans. Il est une immense star. Il possède un charisme particulier, comme James Dean, Brando, Delon, Newman et quelques rares perles du cinéma. « Quelqu’un de génial, rapporte Samuel Blumenfeld. Son jeu installe des standards. » Le critique explique comment Steve McQueen est l’auteur de son propre rôle dans Le Mans. « Il barrait des dialogues. Un clin d’œil, une pliure de son visage, et il donnait au réalisateur ce qu’il voulait. » Une maîtrise du jeu qui explique le film. Pas besoin de dialogues. Les expressions suffisent. Quant au son, il est offert comme une symphonie par les moteurs des bolides.

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Au moment où Steve McQueen se lance dans le projet Le Mans, sa gloire en tant que comédien suffit à porter le film. Il a les moyens de participer au financement. « On le payait $ 50.000 rien que pour lire un scénario récupéré dans une station-service », raconte Samuel Blumenfeld. Ses performances de pilote le rendent crédible dans le rôle de Michael Delanney. Car McQueen est un vrai pilote. Il a participé à de nombreuses courses et démontré qu’il pouvait jouer au plus haut niveau. Aux 12 Heures de Sebring 1970, il est associé à Peter Revson qui court aussi en F1. L’équipage pilote un prototype Porsche 908. Ils finiront seconds derrière la Ferrari 512 S du trio Nino Vacarella, Ignazio Giunti, Mario Andretti. Cette épreuve sera aussi pour lui l’occasion de dîner avec un maître de la fiction automobile, Jean Graton. Le papa spirituel de Michel Vaillant est venu en repérage en vue de l’album Massacre pour un moteur. Naturellement, les deux hommes discuteront longuement du prochain rôle de Steve McQueen.

Au Mans, Steve veut faire équipe avec Jackie Stewart sur une Porsche 917.
« Courir les 24 Heures était l’une des raisons qui l’avaient poussé à faire ce film, témoigne son fils Chad. Mais les assurances lui ont interdit, et cela l’a beaucoup attristé. On a dit qu’il avait quand même piloté sous le casque d’un autre pilote, mais je n’en sais rien… »

Un film qui offre le plein d’émotions

Si Steve McQueen a éprouvé de la frustration au moment du tournage, le résultat ravit le spectateur, tout au moins celui qui aime le sport automobile (les autres, de toute façon, ne nous intéressent pas et ne fréquentent sûrement pas ce site). Un bon film, c’est celui qui provoque des émotions. Et là, le spectateur est servi. Je fais partie de ceux qui ont découvert Le Mans lors de sa sortie en 1971. J’étais encore lycéen. Ma chambre était décorée de posters de Porsche 917 (surtout celle de Pedro Rodriguez), de McLaren Can-Am et de photos que j’avais réalisées à une course de côte bretonne où mon père acceptait de m’amener tous les ans. La projection de Le Mans m’a transporté sur le circuit, au cœur de cette course qui me faisait rêver depuis que, tout gamin, j’entendais les interventions radiophoniques de Tommy Franklin en direct du circuit. Le Mans, c’était un choc, celui de la course reconstituée avec ses bolides, ses angoisses, ses pilotes, sa part de mystère. Sans oublier la nuit mancelle, magique, sombre, à la fois inquiétante et envoûtante.

J’ai attendu longtemps avant de le revoir. C’était un dimanche soir en 2002, à l’occasion d’une soirée thématique sur Arte. Je rentrais des 24 Heures où j’avais suivi la course au sein d’une équipe afin de la raconter « vue » de l’intérieur. Mes oreilles bourdonnaient encore des vrombissements des moteurs de course. Et là… j’ai trouvé Le Mans aussi magique que la première fois. Réaliste, enthousiasmant, avec un Michael Delaney (Steve McQueen) parfait dans son rôle de grand pilote du team Gulf Porsche. Je l’ai imaginé dans la vraie course de 2011 aux côtés des pilotes des 917 de John Wyer cette année-là. Il aurait eu sa place auprès des meilleurs, Pedro Rodriguez, Jo Siffert, Richard Attwood, Jackie Oliver, Derek Bell…

Puis en juillet 2003, j’ai acheté la nouvelle version du DVD qui arrivait dans les rayons « culture ». J’ai revisionné le film avec le même bonheur, celui de me sentir sur la piste.

Qu’est-ce qu’un bon film ? Chaque critique aura sa définition. La mienne est simple, un bon film c’est un film qui procure des émotions, un film que le spectateur est content d’avoir vu. A ce niveau, Le Mans est un film parfait.
« Un film survolté, impressionnant et extrêmement réaliste sur les célèbres 24 Heures du Mans, commenta le Los Angeles Time. Du pur plaisir. »

Il existe des moments qui affligent les passionnés de compétition. Je veux parler des accidents graves, des pilotes qui trouvent la mort sur la piste. Tant de champions nous ont quittés. Le risque est bien présent dans le film. Dès les premières scènes. Puis plus tard, notamment au moment d’un crash impressionnant sur et de scènes où Porsche 917 et Ferrari 512 S luttent côte à côte en se touchant à plusieurs reprises. En tant que pilote, Steve avait saisi cette dimension de la course. « Il éprouvait une fascination pour la mort », analyse Samuel Blumenfeld. Le danger associé à la course contribuait à l’adrénaline qu’elle offrait. Comme une drogue forte, comme l’alcool.

Que va nous apprendre The Man & Le Mans ?

« Ce moment (le tournage du film Le Mans) a été le plus important dans la vie de Steve », témoigne Neile Adams, son ex épouse.

Steve McQueen a souffert avant de briller au firmament du cinéma mondial.
« Il était le fils d’une prostituée et il n’a jamais connu son père », rappelle Samuel Blumenfeld. Le Mans, c’était son rêve. D’autant qu’il avait voulu jouer dans Grand-Prix et s’était fait rejeter par Frankenheimer. Non pas à cause de ses performances d’acteur, mais en en raison de son charisme, de sa personnalité, de sa notoriété. « Je ne veux pas que l’acteur prenne le pas sur le personnage », justifie Frankenheimer. Déçu, sans doute blessé, Steve va s’acharner à trouver ce rôle de pilote auquel il tient tant. « Je ne pense pas qu’un pilote puisse vous expliquer pourquoi il court, en revanche, je pense qu’il peut vous le montrer », explique-t-il.

En 1970, le rêve devient enfin réalité. Le Mans (LE FILM) va démarrer. Avec un gros budget pour l’époque : 6 millions de dollars. Les moyens seront à la hauteur des ambitions de l’acteur pilote. Une Porsche 908 disputera les 24 Heures avec deux caméras embarquées (inédit à l’époque). Le circuit sera loué au mois de juillet pour tourner des scènes de raccord. 25 voitures de course sont achetées ou louées pour le tournage. 19 caméras s’implantent sur le circuit. 56 pilotes sont recrutés pour que les images des raccords soient parfaites. « Pas moins de trois Lola T70 à la retraite, affublées de carrosseries de Porsche ou Ferrari et télécommandées furent bel et bien envoyées dans le vrai décor des S d’Arnage grâce à un tremplin camouflé en banquette de sable », écrivit Philippe Carles dans L’Almanach Échappement 1980. Steve McQueen veut un documentaire. Les scènes doivent être tournées à vitesse réelle. Il se montre exigeant. « Extrêmement parano, le niveau de folie était incroyable », ajoute son assistant, Mario Iscovich.

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Le tournage n’a rien d’un long fleuve tranquille. John Sturges, réalisateur de La grande évasion et des 7 mercenaires, paraissait a priori un « moteur » du FILM. L’équipage Steve – John ne fonctionne plus. Burges claque la porte. Il ne travaillera plus jamais avec McQueen. Le couple Steve Neile explose. Le budget aussi… Des accidents surviennent pendant le tournage des scènes de raccord. David Piper perd une partie de jambe. Derek Bell est brûlé au visage et aux mains. Le film se termine dans la souffrance. Nouvelle déception à son arrivée dans les salles. Si les Japonais lui font un triomphe, les publics américains et européens ne viennent pas aussi nombreux qu’escompté. « Le film n’a pas été un échec, estime cependant Chad McQueen. mais mon père est parti sans se rendre compte à quel point les années l’ont rendu mythique ». Nul doute que le documentaire The Man & Le Mans renforceront encore les légendes McQueen et Le Mans. Les spectateurs prendront un énorme plaisir à découvrir les témoignages, interviews et rushes inédits qui le composent.

Steve McQueen n’a plus jamais piloté en course après Le Mans. Il a connu de nouveaux triomphes au box-office, notamment avec Papillon et La tour infernale. Que lui est-il resté de Le Mans (Le film) ? Sas doute un mélange de frustrations et de fierté. « J’aime rêver, avouait-il. En général, on rêve quand on dort. Mon rêve, je l’ai vécu dans la réalité. »

Thierry Le Bras


Steve McQueen: The man & Le Mans, le trailer du long-métrage

2 Commentaires

  1. Marc Ostermann

    08/11/2015 à 22:57

    Remarquable « papier » Thierry, commme d’habitude ! Par contre je mettrai « Grand Prix » quasiment au même niveau. Je suis sceptique quant à l’explication de Frankenheimer concernant le non engagement de McQueen, il y avait quand même du gros linge au casting…

  2. Merci Marc ! Oui, le casting de Grand-Prix laisse dubitatif quant à la volonté de ne pas faire apparaître d’acteurs dépassant le personnage du film. A titre d’exemple rien que pour les français, Montand n’avait rien d’un comédien anonyme. Toujours un plaisir aussi dans ce film de revoir Françoise Hardy jeune, et surtout avant que la maladie rende sa vie difficile.

    Dans un autre ordre d’idées, je ne sais pas où en est le projet de film sur le duel Ford – Ferrari avec Tom Cruise en Carroll Shelby ? Je l’attends avec beaucoup d’impatience !

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